Les Algériens ont frisé jeudi, de très peu, une tragédie nationale. L'attentat de Batna, qui a coûté la vie à 19 de nos compatriotes et blessé 107 autres, a failli replonger l'Algérie dans la tourmente noire des années 90. N'eût été la vigilance des services de sécurité qui ont déjoué, à temps, c'est-à-dire à quelques minutes près de l'arrivée sur les lieux du président Bouteflika, le projet macabre des terroristes, les pertes seraient plus importantes, mais surtout désastreuses. Osons poser la question qui taraude tous les esprits: qui était visé par cet attentat? Je dirai, à coup sûr, le président. L'événement dans la capitale des Aurès, c'est lui, seul, qui le créait, ce jour-là. Les dizaines de milliers de Chaouis, qui ont accouru pour l'accueillir et saluer les formidables succès obtenus grâce à son action politique, ne se sont pas encore remis du choc. Les hommes chargés d'assurer la sécurité du président et de «nettoyer la place» ont fait preuve d'un sens de professionnalisme, mais aussi d'efficacité et de perspicacité. S'il y avait la moindre faille dans le système de prévention et de protection du président, elle aurait coûté très cher à l'Algérie, pour ne pas dire qu'elle se serait soldée par un vrai désastre national. C'est donc grâce à ces hommes que le pire a été évité. Le pire, ça aurait pu être l'assassinat du président. Remercions Dieu, en ce vendredi Saint, de nous avoir épargnée cette pénible et mortelle épreuve qui aurait préparé la mise en terre de la République. Repéré, le terroriste a tenté de s'enfuir, en vain. Il a été cerné, neutralisé et plaqué au sol par au moins cinq hommes de la sécurité. Ceux du DRS. Le kamikaze, sous le choc, a été pulvérisé par sa bombe. On saura son nom bientôt. Explication: le crime est signé. Il porte les empreintes et l'ADN du Gspc-Al Qaîda. L'exécution de l'attentat obéit à la méthode et au mode d'emploi connus du groupe terroriste. Bouteflika est adulé, aujourd'hui, par son peuple. Résultat: ses bains de foule sont l'expression de ce sentiment profond de gratitude à l'égard de l'homme de paix et de réconciliation. Il s'agit bien d'un peace-maker. Mais n'oublions pas que Gandhi avait été aussi assassiné. Imaginons un seul instant ce que serait devenue l'Algérie, au réveil, ce vendredi, si le projet funeste de ceux qui l'ont planifié avait abouti. Quel Algérien digne de ce nom aurait échappé aux abysses de la malédiction? Que resterait-il de l'image de l'Algérie difficilement restaurée dans le monde depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir? Dans trois jours seulement, rappelons-nous, le monde commémorera le sixième anniversaire du 11 septembre 2001. J'ai la certitude, bien profonde, que les hommes de Ben Laden avaient planifié leur crime dans ce sens. Celui de se défaire de l'Homme qui les menaçait le plus dans la planète par sa politique de réconciliation nationale, qui a vidé les maquis islamistes et qui a redonné aux Algériens le goût de vivre d'antan. L'attentat d'avril dernier contre le Palais du gouvernement n'était, en fait, que le prélude à celui perpétré, jeudi, à Batna, et qui a endeuillé le pays. Il ne visait, ni plus ni moins, qu'à ébranler l'Etat. Tout l'Etat. La revendication de ce crime ne tardera pas à tomber dans les heures qui suivent. Elle sera signée, à coup sûr, Al Qaîda. Et elle sera explicite, car l'aveu sera édifiant parce que c'est l'Etat lui-même qu'on voulait achever à Batna. L'attentat de jeudi poursuivait bien des objectifs, à la veille du 11 septembre, aux résonances mondiales. Bouteflika l'a bien compris. Et son ministre de l'Intérieur aussi. Tous les deux ont relevé le défi d'Al Qaîda. Ils ont décidé de prolonger leur séjour dans la capitale des Aurès, de faire leur prière du vendredi aux côtés des fidèles dans une mosquée de Batna avant de regagner Alger, de s'enquérir de l'état des blessés et de présenter leurs condoléances aux familles des victimes. Un défi en vaut un autre. L'autre élément qui atteste de la gravité des conséquences qu'aurait pu entraîner l'attentat dans la vie de la nation réside dans la célérité des réactions internationales. Les présidents Sarkozy et Poutine, le roi Mohammed VI et le Premier ministre espagnol ont bel et bien saisi la dimension du désastre auquel a échappé l'Algérie. Quant au «coup de fil», hier matin, de Sarko à son ami Boutef, il se passe de tout commentaire. Jeudi 6 septembre 2007, à dix-sept heures, à Batna, c'est toute l'Algérie qui est revenue de très loin... parce qu'entre Bouteflika et Al Qaîda, la Baraka a fait son choix. Le destin a toujours été un merveilleux metteur en scène. Il n'a pas failli, cette fois-ci encore, à la tradition.