Il s'habille à la mode, ne rate jamais la prière d'El Fadjr, il aime la télévision, notamment les films américains et les fatwas. Un enfant kamikaze est-il ange ou démon? Certes, l'acte est criminel, horrible et monstrueux, car il est commis par conscience et connaissance. Toutefois, la mère de Nabil Belkacemi, un enfant de 15 ans qui s'est fait exploser à la caserne des gardes-côtes à Dellys, avance une autre version. Elle refuse que son «cher enfant» soit qualifié de «kamikaze». «Non, mon fils n'est pas un kamikaze!», insiste-t-elle. Pour elle, Nabil «est une victime exploitée» par des criminels. En pleurs, la mère de Nabil traumatisée se lamentait en s'excusant auprès des familles des victimes. Même réflexion chez le père de Nabil. «Je n'ai jamais cru que mon fils puisse faire un acte pareil», déclare-t-il à L'Expression. Toute la famille du «kamikaze» est sur la même longueur d'onde. «Je connais bien Nabil. C'est l'enfant le plus gentil du quartier. Il est très bien estimé par tous les cousins et voisins», témoigne un de ses oncles rencontré devant le lieu de résidence de la famille Belkacemi, sise à la cité des Eucalyptus, à Bachdjerrah (Alger). Dans cette cité, tout le monde atteste du «calme, du sérieux et du côté angélique de Nabil». Cependant, Nabil est-il pour autant «un ange», comme en témoignent ses parents et ses voisins? Car, ces aspects du comportement évoqué ci-dessus ne justifient en rien les qualités ou les défauts d'une personne. En dehors du cercle familial, comment les autres personnes définissent le jeune Nabil? Que fait-il réellement en dehors de ses études? Avec qui? Quels sont ses loisirs? A quel profil répond-il? Dans ce quartier, on affirme qu'il évolue dans le triangle: école, mosquée et maison familiale. Un camarade de classe, un ami de la mosquée et son frère, chacun d'eux essaye de répondre aux questions de L'Expression. Nabil Belkacem est un enfant né en janvier 1992. Il est originaire d'une famille algéroise. Il a suivi ses études primaires à l'école Madouni Rachid 1, dans la cité de son lieu de résidence. Il est admis à l'école moyenne Cheikh Tahar dans le même quartier, où il devait passer son BEM. Dans ce collège, aucune information n'a filtré. Il faut obtenir une autorisation auprès de l'Académie d'Alger pour pouvoir recueillir quelques informations. Toutefois, les quelques témoignages recueillis auprès de ce collège considèrent que Nabil «est un élève normal». Difficilement, péniblement, les responsables et les travailleurs de ce collège tombent dans notre jeu de questions et assurent malgré eux que «nous l'aimons vraiment». «Il était un élève comme tous les autres. Il s'habillait au même titre que le reste de ses camarades. Il était un bon élève», a lâché un des ces responsables. «Il ne portait ni kamis ni barbe. Il portait la blouse comme le stipule le règlement intérieur de l'établissement», ajoute-t-il. Ce n'était pas facile d'avoir plus d'informations. La solution était de trouver un de ses camarades de classe. Juste à coté du domicile de Nabil, un petit jeune est assis devant la porte de l'immeuble. Finalement, c'est la source que nous cherchions. D'après ce jeune, Nabil n'est pas un garçon renfermé ni discret encore moins complexé. Il est ouvert et communicatif. Dans la cour du collège, il parle avec tout le monde. Il s'amuse comme il peut et comme il veut. Quelle relation avait-il avec le beau sexe? «Très normale», répond-il. Et de préciser qu'«il avait des amies avec lesquelles il discutait. Il leur conseillait de porter le foulard et de suivre le chemin de Dieu». Côté études, la même source confirme que Nabil était excellent, notamment en éducation islamique et en langue arabe. «En éducation islamique il a toujours obtenu des 18 et 19». Son compagnon de la mosquée assure que «Nabil était un vrai fidèle». «Il se rendait régulièrement à la mosquée, notamment lors de la prière de l'aube (El-Fadjr), pour accomplir son devoir religieux.» Avec plus de précisions, ce témoin souligne que son ami Nabil prend part aux Halakates(*) qui se tiennent à la mosquée. Cette même source confirme que ce dernier ratait rarement la prière d'El Fadjr. Une information confirmée même par son frère W.B. «Mon frère sort de la maison le matin pour faire la prière d'Al Fadjr à la mosquée où il restait jusqu'à l'heure de la rentrée en classe.» Autrement dit, Nabil passait toutes les heures creuses, entre l'heure de la prière et celle de la sonnerie de la cloche, à la mosquée. «Mon frère, explique-t-il, ne voulait pas nous déranger tôt le matin, il préférait rester à la mosquée», insiste le frangin. Interrogé sur les loisirs de Nabil une fois à la maison, le même jeune indique quelques détails sur un frère qui a presque le même âge que lui. «Nabil regarde beaucoup la télévision. Il préfère les comics, les films et les fatwas». Nabil écoutait et regardait les CD ayant pour thème le Coran. Il n'était pas un amateur de l'Internet. Pis, il était contre l'installation de cette technologie chez lui à la maison. Il portait comme tous les jeunes du quartier des vêtements à la mode. Il mettait du gel. Il portait également le kamis. Il avait des relations amicales avec les filles. Il dénonçait les attentats et les crimes en Algérie. Il a toujours souhaité rejoindre les djihadistes en Irak. Il regardait les films américains. Il jouait au ballon. Il pratiquait du Taekwando. Il était très normal quoi, conclut-il avec un air très décontracté. (*) Les fidèles se regroupent en forme de cercle pour expliquer le Saint Coran.