«Les bons écrivains sont terriblement affectés par la peur de ne pas être aussi bons qu'ils le pensent.» L'écrivain et journaliste, le chroniqueur acide et provocateur de l'Amérique depuis presque 60 ans, Norman Mailer, est mort à l'hôpital Sinaï de New York d'une insuffisance rénale. Malgré la chirurgie cardiaque et l'arthrose, il n'avait jamais cessé d'écrire. Il a été couronné à deux reprises par le célèbre prix Pulitzer: en 1969 pour Les armées de la nuit et en 1980 pour Le chant du bourreau. Avec le National Book Award décerne pour son roman devenu culte, Les nus et les morts, écrit à l'âge de 25 ans seulement, il a acquis ses lettres de noblesse. Il est décédé dans la nuit de vendredi à samedi à New York à l'âge de 84 ans. Cet intellectuel a marqué de son empreinte la scène littéraire américaine pendant un demi-siècle. Auteur d'une quarantaine d'ouvrages, Norman Mailer avait publié son dernier livre cette année, Un château en forêt, un ouvrage sur la jeunesse d'Adolf Hitler. Il était romancier, journaliste, scénariste et metteur en scène. Chantre de la contre-culture américaine au milieu des années 50, ce rebelle a aussi eu une vie privée plutôt tumultueuse, se bâtissant, avec les années, une réputation aussi chaleureuse que sulfureuse. Il était bagarreur et boxeur, grande gueule, buveur, fumeur et amateur de femmes. Il s'était même lancé dans une improbable candidature à la mairie de New York. Il fut à cette époque le cofondateur de l'hebdomadaire culte des intellectuels engagés, le Village Voice. Le jeune natif de Brooklyn, diplômé de Yale en mécanique aéronautique, a livré de nombreux combats, de la contestation de la guerre du Vietnam à celle d'Irak. Il s'est aussi affirmé, jusqu'à sa mort, comme un fervent opposant à George W. Bush. Il fut marié six fois, eut neuf enfants et dix petits enfants. Tout au long de sa longue carrière, il cultiva le goût pour la controverse, voire l'affrontement, et s'opposa parfois de manière virulente à d'autres écrivains comme William Styron ou Gore Vidal. D'après les observateurs, la personne à qui il peut être comparé est Hemingway. Interviewé dans sa maison de Province town par le New York Times lors de la sortie d'Un château dans la forêt en 2007, l'écrivain octogénaire disait espérer, malgré une vue déclinante, pouvoir en écrire une suite. Ecrire était devenu pour lui plus facile, assurait-il. «Les sentiments de dépression et d'obsession ont diminué. Ecrire est une activité sérieuse et sobre pour moi maintenant, comparé à quand j'étais jeune. La question de savoir si l'on est un bon écrivain obsède plus les bons écrivains que les mauvais. Les bons écrivains sont terriblement affectés par la peur de ne pas être aussi bons qu'ils le pensent», avait-il confié. Le nom est le support de la personne elle-même. Révélation formidable car la grande angoisse des hommes, ce n'est pas de mourir. Mais, c'est que leur nom tombe dans l'oubli, dans le néant, comme s'il n'avait jamais existé. Mais ce n'est pas le cas de l'écrivain Norman Mailer car les hommes meurent et les écrits restent.