La culture a eu son lot de coups de pied dans la fourmilière. Au-delà des tendances qui s'acharnent dans des opérations médiatiques à faire du bruit, la culture, fidèle à elle-même, continue sa sourde gestation. Il est vrai que depuis quelque temps la nôtre amorce une série de profondes remises en question. A cela, la volonté politique n'est pas étrangère. Dans une certaine mesure, elle en est même la principale instigatrice. La culture institutionnelle à l'ère de Bouteflika a eu son lot de coups de pied dans la fourmilière et d'autres opérations, certes, de moins grande envergure, mais qui ont néanmoins des répercussions. Le plus important coup d'éclat du Président de la République était, et tout le monde s'en souvient, l'organisation, à Annaba, du colloque sur la vie et l'oeuvre de saint-Augustin. L'implication personnelle de M. Bouteflika était chargée de tout ce que les analystes politiques peuvent tirer comme signaux «forts et significatifs». Et ils ont raison. Reconnaître que la relation entre l'Algérie et Dieu ne se résume pas, comme il est malheureusement encore véhiculé dans nos écoles fondamentales, à la seule période islamique, en mettant en exergue l'oeuvre d'un enfant du territoire grandement reconnu par l'Eglise, ne peut être autre chose qu'un signal fort et significatif de la volonté de l'Etat de rompre avec une «idéologie». A la bonne heure. Autre fait saillant de la culture à l'ère de Bouteflika: sa participation au colloque Moufdi-Zakaria au mois de février dernier. Le poète a eu des hauts et des bas dans les considérations de nos dirigeants respectifs. Il est passé du bannissement culturel, à une reconnaissance pudique pour enfin tomber dans l'indifférence, les soucis de l'Etat se trouvant à un autre niveau. Avec Bouteflika, l'image de l'auteur de notre hymne national retrouve des couleurs. Kateb Yacine a eu, lui aussi, sa part de reconnaissance. Homme respecté, mais qui avait la manie de critiquer les visions institutionnelles de son vivant, on le confinait dans une sorte d'exil intérieur. Désormais, Kateb Yacine est le nom du nouveau lycée à Sétif, inauguré dernièrement par le Président, lors de sa visite dans cette wilaya. Mais qu'a à dire une inscription? Rien de bien dérangeant. Telles ont été, sans être exhaustives, les lignes majeures du chantier culturel de la présidence à l'intérieur du pays. D'autres opérations s'inscrivent dans une autre optique, stratégique cette fois: l'image de l'Algérie aux yeux de la communauté internationale. La culture est, là aussi, mise à contribution. Elle fait office de support au message d'ouverture que prône l'administration Bouteflika. Les visites des stars françaises du show-business et l'accueil présidentiel qui leur a été réservé, photos et interviews publicitaires à l'appui, étaient, en fait, le fruit d'une campagne réussie à l'adresse de la communauté internationale, la France en tête. L'ouverture frénétique des échanges culturels entre les deux pays est là pour le confirmer. Les visites d'hommes de culture étrangers s'accentuant, le public, aussi maigre soit-il, a eu à affronter des idées et des visions nouvelles. Après avoir passé une dizaine d'années en quarantaine, l'Algérien se redécouvre dans le regard de l'autre. Et ça n'est pas très ressemblant. L'entreprise de Bouteflika connaîtra, toutefois, de petits accrocs avec l'invitation avortée d'Enrico Macias. Le Président se prend les pieds dans le tapis. Si le colloque saint-Augustin a réussi à passer, les islamo-conservateurs allaient mettre tout en oeuvre pour parasiter l'initiative «judaïque», ne pouvant concéder une remise en cause de leur plus sacro-sainte «haine», cheval de bataille scellé et non négociable. L'Année de l'Algérie en France, qui pointe du nez, semble, quant à elle, répondre à un impératif. Celui de reconstruire le réseau culturel dévasté, à travers un engagement sérieux de l'Etat. Les liens engagés avec des organismes de sauvegarde du patrimoine comme l'Euromed-Meda reflètent l'aspiration de l'Algérie à retrouver sa place dans le paysage méditerranéen et même universel. L'administration Bouteflika n'est pas au bout de ses peines. Des dossiers chauds encombrent les bureaux de la présidence. Une politique du livre qui ne laisse pas de marbre les différents opérateurs du secteur, et une réforme du système éducatif au centre de vives pressions.