Le terrorisme, qui a commencé par le vol d'explosifs des carrières, avait contraint les autorités sécuritaires à fermer les stations de concassage. On les appelle les «ramala». Ils sont remarquablement présents dans les régions particulièrement infestées par les terroristes du Gspc ou Al Qaîda aux pays du Maghreb islamique, où, a priori, le sable est devenu le «nerf de la guerre» du terrorisme. N'étant plus en phase de prouver ou déterminer l'interconnexion entre la mafia du sable et les «Gspcistes», les forces de sécurité chargées de la lutte antisubversive ont établi, a-t-on confié de sources crédibles, que les nouveaux émirs sont d'anciens trafiquants de sable. Il ne s'agit plus d'un lien, mais d'exercice direct et complémentaire. Entre minuit et cinq heures du matin, le monde leur appartient, usant d'une liberté de mouvement incontestable et même les dirigeants de l'organisation terroriste ne s'y aventurent plus. Selon nos sources, le phénomène auquel font face les services de sécurité aujourd'hui, n'est qu'une suite naturelle de la violence armée, notamment après que la manipulation sur une grande échelle ait été dépossédée de la couverture politique et le revirement de la majorité du peuple algérien. D'ailleurs, en définissant, après feu Mohamed Boudiaf, que les maux de l'Algérie sont dus à la mafia politico-financière, le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, dans de nombreux discours, avait cerné le problème et avait mis le doigt dessus comme corollaire du terrorisme destructeur qu'à vécu le pays depuis 1992 d'où est né le grand banditisme que l'Algérie n'a jamais connu. Les individus qui refusent la main tendue de l'Etat et de la société, se sont donc transformés en brigands dont le seul but est l'enrichissement par tous les moyens, élargissant spécialement leur action à Boumerdès, où le trafic du sable est plus dense mais aussi à Tizi Ouzou, Béjaïa et Jijel. «L'organisation criminelle a réellement de l'argent frais et ne recule devant rien et devant aucun moyen pour s'en procurer», ont souligné nos sources, qui ajoutent: «Leur but est double, d'abord continuer à susciter l'intérêt médiatique, ensuite ramasser le maximum de gain...». La toile d'araignée Le terrorisme qui, on se souvient, a commencé par le vol d'explosifs des carrières fournissant le gravier aux constructions, a contraint les autorités sécuritaires à fermer les stations de concassage, et permettre bien après la réouverture de quelques unes étroitement surveillées. Mais ceci ne manqua pas de pousser certaines entreprises de construction à l'utilisation du sable de mer ou de rivière. Certains vautours à l'affût de toute occasion de s'enrichir, ne manquent ainsi aucune option. Nos sources ont relevé, dans ce contexte, le vide juridique ayant encouragé l'émergence de ce phénomène. L'exploitation du sable de mer ou de rivière, soumise auparavant à un contrôle très sévère de la part des services du ministère des Travaux publics, par le biais d'agents des ex-Ponts et chaussées, a, par la suite, échappé à cette administration spécialisée. Avec le temps, les services des Domaines demeurent les régulateurs de l'exploitation des sablières. Ceci se fait par concession à des entrepreneurs et aux plus offrants et le contrôle, a posteriori, échappe aux services des Domaines, pour des raisons techniques! Soumis aux textes réglementaires, la gestion des richesses naturelles ne tarda pas à voir surgir une pègre spécialisée qui, en fin de compte, a fini par faire émerger des «potentats». Ils ont réussi à tisser une toile allant de l'extrême nord-est à l'extrême nord-ouest. Et une organisation, aussi dangereuse que la camorra italienne, est née. Nos sources, engagées dans la lutte contre ce phénomène, ont souligné que, comme toute autre richesse naturelle, le pillage de sable se fait avec l'aval des groupes terroristes. Ainsi, pour une question d'intérêt matériel, les terroristes sont devenus associés avec les pilleurs de sable, eux-mêmes devenus des terroristes. Nos sources sont arrivées à établir qu'un camion de grand tonnage rapporte en minimum 100.000DA par nuit. Un simple tracteur agricole muni d'une remorque en rapporte 15.000DA nets de tout impôt ou taxe, mais parfois, le transport de sable volé se fait par train. Cela en rapport avec le contexte propre à la ville de Boumerdès. Mais il en est aussi des sablières pirates de la Calle, où le sable est transporté jusqu'à Alger. Les pilleurs de sable ou les «ramala», comme indiqué, agissent de nuit, et ne respectent pas l'environnement, emportant sable de plage et galets. Pour les galets, il y a lieu de rappeler que la réglementation exige que les services des travaux publics délivrent une autorisation spéciale qui désigne le lieu d'enlèvement, le temps de transport, le calibre des galets et la quantité exacte. Mais l'administration, très puissante autrefois, est aujourd'hui réduite à des proportions qui ne lui permettent plus d'agir. Les lieux de pillage sont très nombreux. A l'Ouest par exemple, les vols concernent les plages de la wilaya de Tlemcen où agissent deux potentats. Oran, Arzew, Bouhanifia sont sous la houlette d'une demi-douzaine d'exploitants pirates. Au centre du pays, les plages les plus touchées sont situées sur la côte et les stations estivales les plus dégradées: sont Boumerdès et, particulièrement Boudouaou. Là, les pilleurs sont puissants et dangereux. De véritables contrats sont passés pour l'élimination physique des membres des services de sécurité qui refusent de fermer les yeux sur le massacre des plages. A titre indicatif, dans la wilaya de Boumerdès, et plus exactement à Sidi Daoud, le chef de brigade de cette localité a été assassiné en 2002 en même temps que des gendarmes. A Boudouaou, durant la même année, 380 arrestations ont été effectuées par les services de la Gendarmerie nationale. Ces arrestations ont engendré, en retour, des embuscades, heureusement avortées, contre les officiers. Des pilleurs puissants et dangereux Certains d'entre eux ont même été mutés pour préserver leur vie. Selon La Revue (n°27 de février 2008) de la Gendarmerie nationale, qui a soulevé le problème, on relève que la mafia du sable et le terrorisme restent le seul danger qui menace les forces de sécurité. Il a été enregistré l'assassinat d'un chef de brigade et trois gendarmes sur les routes par les pilleurs de sable. Un officier supérieur a été blessé suite à un attentat à la bombe, perpétré également par la mafia du sable, toujours à Boumerdès. En 2006, la même source fait état d'un attentat perpétré à Tidjelabine qui a coûté la vie à 8 gendarmes et 4 gardes communaux. L'enquête a abouti à l'implication directe des pilleurs de sable qui ont, de concert, préparé l'attentat avec le Gspc, pour lequel le sable est une sorte de «pétrole jaune». Aux dernières nouvelles, les services de la Gendarmerie nationale ont intercepté plus de 120 mafieux du sable avec la mise en fourrière de 75 camions et la saisie de plus de 4000m3 de sable. Pour rappel, le terroriste Guerni Abdelkader, responsable de la collecte des fonds au profit du Gspc, arrêté en juin 2002, avait assuré que 300.000DA avaient été payés pour l'élimination du chef de la brigade de Sidi Daoud. Ce martyr du devoir n'avait jamais baissé les bras devant les intimidations, ni les tentatives de corruption. Un certain Baghlia s'est démené comme un diable pour se débarrasser de certains officiers qui lui mettaient les bâtons dans les roues. Il dépensait des sommes faramineuses frôlant les 4 milliards de centimes pour éloigner les responsables sécuritaires gênants. Le procédé est le même depuis des années. Certains fonctionnaires se trouvent propriétaires de camions, villas, commerces juteux par le biais de leur «quote-part» dans le vol à grande échelle du sable de mer, de galets ou même du sable de rivière, en protégeant les pilleurs de sable. Les trafiquants pris dans les barrages de la Gendarmerie nationale, à la place de leurs patrons sont soumis à des peines de prison. Nos sources ont établi que dans le contrat de «travail», entre le camionneur et le baron, il est spécifié que la famille du chauffeur emprisonné doit continuer à recevoir le salaire convenu. La mise en fourrière est compensée par le versement des frais et une somme fixée entre 5000 et 10.000DA par jour durant l'arrêt du camion, ce qui rend le problème du pillage du sable très grave alors que l'action de dégradation est ininterrompue. Les peines appliquées ne sont pas à la mesure du crime. Selon nos sources, tout véhicule ou objet ayant servi dans un crime, est passible de saisie définitive. Or, avec la souplesse de la législation c'est à peine si les moyens de transport sont immobilisés pour la durée d'un mois. Selon nos sources, ne serait-ce que pour intelligence avec le terrorisme, le vol de sable devrait être considéré comme acte criminel. Surtout que ses auteurs agissent de plus en plus avec une arrogance révoltante car, bien souvent, ils foncent sur les barrages avec une nette intention de tuer, alors qu'ils sont, en réalité, en position de crime et de vol qualifié, ceci est présumé dès l'instant où le transporteur ne possède pas le titre lui permettant d'être en possession du sable du fait même que le matériau, ainsi identifié, ne peut appartenir qu'au domaine de l'Etat. Encore faut-il que le législateur vote les textes appropriés pour protéger les richesses naturelles avec plus de rigueur...Le texte de loi actuel donne, en effet, l'impression -vraie ou fausse- d'avoir pour but beaucoup plus de protéger que de réprimer le pillage des richesses naturelles. En plus du sable, se pose également les cas respectifs du liège et du corail. De la mousse de liège à la souche de Bruyère pour ne citer que ces exemples et dont les fruits profitent au Gspc, ce qui fait dire à nos sources: «Ils est temps de donner les moyens juridiques aux services de sécurité et à la justice pour accomplir leur mission en toute sérénité avec toute la latitude et la protection de leur intégrité physique et morale...» La mafia du sable dispose de tous les moyens et tient solidement les rênes du trafic, pour continuer à contrôler des régions, comme celles de Boumerdès et Tizi Ouzou.