Evoquer, aujourd'hui, le projet d'Union pour la Méditerranée avec l'ambassadeur d'Italie n'est pas pour lui un exercice facile. Pour plusieurs raisons. La toute première est cette période de transition que vit son pays qui voit Berlusconi rempiler pour un troisième mandat. Et comme Prodi et Berlusconi ont très peu de convergences d'idées, il est certain que même la politique étrangère de l'Italie s'en ressentira. En bon diplomate qui ne dit jamais ni oui ni non, mais toujours peut-être, l'ambassadeur a fait l'éloge de l'initiative dans l'absolu, a mis en avant le développement économique, la paix et le rapprochement des deux rives avant de conclure qu'il faut laisser du temps pour plus de visibilité. Autant pour le contenu et les détails du projet que pour la définition du programme du nouveau président du conseil italien. Cet art des diplomates exige des journalistes une lecture des réponses en filigrane. Il est clair que l'Union pour la Méditerranée a inscrit dans son bulletin de naissance l'Appel de Rome du 20 décembre dernier. Et comme ce projet d'union est perçu par bon nombre comme une alternative au Processus de Barcelone plongé dans le coma depuis le sommet de 2005, il pourrait y avoir là comme un titillement de la fierté italienne. Mais au-delà, c'est toute la divergence d'intérêts en Méditerranée qui sépare la France qui est à l'origine du projet et l'Italie qu'il faut avoir à l'esprit. Une divergence d'intérêts qui s'est exprimée pour la première fois, en 1958 lors du premier colloque méditerranéen qui s'est tenu à Florence. On se rappelle qu'à l'époque, en pleine guerre de Libération en Algérie, l'Italie n'avait pas hésité à inviter les représentants du FLN. Ce qui avait évidemment provoqué le courroux de la partie française et bien refroidi les relations franco-italiennes. Le «devoir de solidarité européenne» avait même été rappelé à l'Italie par l'Hexagone. Ceci pour les conflits qui entravent ce genre d'union. Du dialogue des 5+5 des années 80 à l'Union pour la Méditerranée aujourd'hui, beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts. Notamment avec le Processus de Barcelone en 1995 et la politique européenne de voisinage (PEV) en 2004. Toutes ces tentatives de jeter un pont entre les deux rives de la Méditerranée se sont heurtées au sérieux obstacle de la guerre au Moyen-Orient. Il faut signaler la position courageuse de l'Italie, dirigée alors par Aldo Moro, mort assassiné, qui date de la guerre des Six-Jours en 1967. Un non-alignement courageux sachant qu'il n'est pas sans conséquences pour un pays occidental de ne pas être carrément pour Israël. De Gaulle aussi a connu le prix d'une telle distance. Toutefois l'Italie d'Aldo Moro n'est pas celle de Romano Prodi. Et tant que Berlusconi n'a pas pris ses fonctions, la réponse à notre question posée à l'ambassadeur d'Italie à Alger, restera évasive. Il n'en demeure pas moins que le pragmatisme italien évoqué par le diplomate a de sérieux points d'appui. La Méditerranée n'est pas la mer Baltique qui a vu ses pays riverains mettre sur pied en 1992, un conseil des Etats. Là-bas il n'y a ni conflit ni différence de civilisations. La comparaison entendue ici et là entre ces deux unions relève du mauvais marketing politique. Un chose est sûre, la position italienne aura beau se faire attendre, elle n'ira cependant pas au-delà du 14 juillet prochain, date à laquelle est prévu à Paris le premier sommet de l'Union pour la Méditerranée. Ce jour-là, la visibilité sera plus grande et l'ambassadeur d'Italie à Alger sera plus à l'aise dans ses réponses.