Le poète a bien voulu prendre part à la rencontre, même s'il pensait qu'il n'avait que peu à offrir. En guise de citation d'ouverture à son dernier recueil, L'heure de pan, paru chez l'Harmattan, Jean-Claude Villain a choisi Albert Camus qui, un jour, écrivit: «Notre tâche est de réhabiliter la Méditerranée.» Mardi dernier, le poète était à la médiathèque Arts et Culture du 1er-mai, et s'est prêté à l'initiative de l'association Cadmos qui y organise son cercle littéraire, Les mercredis du verbe. La visite du poète en Algérie ne devait pas, en principe, le conduire à une telle réunion. Venu rendre visite à son ami poète Rafaât Salama, qui est aussi le correspondant de l'agence de presse égyptienne en Algérie, Jean-Claude se voit embarqué dans une série d'entrevues et de rendez-vous qui le conduiront dans quelques rédactions de presse et finalement à la médiathèque. Installé derrière les micros, entre Samia Negrouche, présidente de Cadmos, et un professeur du conservatoire municipal d'Alger, contenant la bosse de son luth, Villain temporise. Pris dans le feu des sollicitations, il s'y prête sans distinction, mais pense qu'il n'a rien à offrir, ou si peu. Villain se présente et va jusqu'aux tréfonds de l'Histoire, chez les Grecs, pour puiser son identité méditerranéenne. Une bouche qui porte tant de langues, mais tout en étant une beauté unique. «J'ai la certitude d'être choyé dans une beauté cosmique», dira-t-il avant de nous lire son chantant Les yeux de la mer, poème extrait du Marchand d'épices. A sa droite, le professeur gratte son luth aux airs d'Orient ; derrière la porte mal fermée, des enfants du quartier se déchaînent dans un jovial tapage ; leurs cris et leurs rires sont censurés. Zèle de portier. Myriades d'oeil sans paupières. Celles des peuples de la Méditerranée et des êtres pris dans les sillages des navires. La psalmodie de Villain s'arrête et la mélodie se heurte au silence. Les sons marins étaient absents. L'association Cadmos gagnerait à tenir ses réunions littéraires obstinément méditerranéennes en bord de mer. Rafaât Salam vient à la rescousse, même s'il n'est pas parvenu à mettre la main sur les poésies que Villain attendait. Celles qui sont en possession de l'Egyptien ne sont que des traductions en arabe. Après le chantant de Villain, son dense Dix stèles et une brisée en un jardin sera déclamé en arabe par la voix caverneuse de Salam. Deux niveaux de l'oeuvre du poète lus dans deux langues méditerranéennes ; la communion ne pouvait mieux se réaliser, même si l'auteur ne saisit pas l'arabe.