Ce reprofilage s'apparente à une centralisation des prérogatives. A la faveur d'un décret exécutif, publié au Journal officiel du 3 avril 2002, le ministère de l'Intérieur a été récemment doté de nouvelles structures. Cette nouvelle disposition place sous l'autorité du ministère treize directions, dont cinq sont soumises à des textes particuliers. Il s'agit des directions générales de la Sûreté nationale, de la Protection civile, des transmissions nationales, de la garde communale et de la direction de la coordination de la sécurité du territoire. La gestion des événements de Kabylie, les énormes défaillances enregistrées dans l'organisation des secours lors de la catastrophe du 10 novembre 2001 et le début de la configuration de la nouvelle carte sécuritaire semblent avoir motivé ce reprofilage qui s'apparente à une centralisation des prérogatives. Des sources avaient indiqué qu'au niveau du département de Zerhouni, une réflexion a été entamée dans le cadre de commissions afin de proposer une nouvelle approche du concept de sécurité civile. «Le cas de non-coordination entre la police et la Protection civile lors de la catastrophe du 10 novembre 2001 a bien démontré que la notion de sécurité civile n'existe même pas», confiait la source. Ceci semble expliquer la reconfiguration de l'administration centrale de l'Intérieur pour une meilleure emprise sur les outils et les potentialités de la police et de la Protection civile. La remise de la direction générale des transmissions nationales sous l'égide de l'Intérieur est expliquée par des observateurs par le besoin d'effectuer un contrôle étroit sur le domaine stratégique des télécommunications, véritable entonnoir de toutes les convoitises. Le secteur des transmissions de par sa sensibilité, puisque englobant les opérations d'écoute effectuées par les services de sécurité, est un élément clé dans la structure sécuritaire nationale, au-delà de la légalité de ces écoutes et de la nature de ses cibles. Une chasse-gardée militaire «tombe» ainsi dans le giron du pouvoir civil. La mise sous tutelle de l'Intérieur de la garde communale, dont le statut et le système de rémunération ont posé de sérieux problèmes durant ces cinq dernières années, répond, peut-être, au souci de trouver une nouvelle vocation pour ce corps. Les autorités publiques réfléchissent, semble-t-il, à la gestion de l'après-terrorisme (notion qui tarde cependant à se concrétiser). Dans un premier temps, la garde communale avait été «gérée» par la Gendarmerie nationale, elle-même sous tutelle du ministère de la Défense. Mais formellement, ce corps dépendait, notamment pour les rémunérations, des Collectivités locales comme son nom l'indique. Un port de double casquette, c'est le cas de le dire, qui semble être rattrapé par Zerhouni. Il reste à savoir quelles seront les nouvelles missions de la garde communale dans ce que les autorités aiment à appeler «l'après-terrorisme». Le redéploiement des brigades de gendarmerie en Kabylie ainsi que les exigences de la «nouvelle carte sécuritaire» évoquée par le commandement central de la gendarmerie participe, semble-t-il, à ce changement de statut. La garde communale pourrait ainsi devenir une sorte de police de proximité rurale. La nouveauté la plus significative reste la création de la Direction de la coordination de la sécurité du territoire, la DCST, et qui n'est pas sans rappeler, du moins par l'énoncé, la DST française (Direction de la sécurité du territoire, rattachée au ministère de l'Intérieur français). En l'absence de statuts clairs de cette structure et de ses missions, des analyses ont avancé qu'il s'agissait-là d'un grignotage des prérogatives du Département des renseignements et de sécurité, le DRS, dépendant du ministère de la Défense. D'autres sources évoquent un transfert des missions de la Direction du contre-espionnage, elle-même dépendante du DRS, vers le département de Zerhouni. Une démonstration, avance-t-on, de la prochaine restructuration de l'Armée et de ses services spéciaux dans le cadre du programme de professionnalisation de l'ANP. Dans les pays qui ont adopté la formule de l'armée professionnelle, les services secrets de renseignements sont répartis entre le ministère de la Défense et celui de l'Intérieur, selon les compétences et sous le contrôle de la Justice. Le souci de créer une structure de coordination rappelle les efforts fournis au temps fort de la pression terroriste. Au milieu des années 90, un coordinateur des différents services de sécurité avait été installé avec grade de ministre. Cette expérience n'a pas duré plus de huit mois. Dans l'attente des statuts de la nouvelle structure, il est fort utile de reposer enfin les termes clairs du débat autour de la sécurité intérieure trop enclin à être noyé dans le tumulte immédiat de la violence et de la contre-violence.