Le recours à la grève illimitée vient après «le silence total et calculateur des pouvoirs publics.» A Tizi Ouzou, les cours se poursuivent normalement aux universités. Une largesse qu'aurait accordée le Conseil national du supérieur (Cnes) à cette partie non négli-geable des pôles universitaires du pays. Le souci premier étant de rattraper quelque six semaines de cours encore en souffrance. Cela n'exclut nullement l'engagement de cette partie de l'échiquier universitaire à être corps et âme du côté des revendications syndicales brandies par le Cnes. Puisque au premier jour de la grève illimitée à laquelle a appelé le bureau national Cnes, tous les campus du Col des Genêts ont religieusement observé le mot d'ordre de grève en guise de serment de fidélité au syndicat, c'était ce 11 mai et la même démarche a été observée à Béjaïa. Rendez-vous est donné pour les examens que l'on compte bouder, en ultime recours, dans ces deux régions respectives à l'instar des autres wilayas. Cette entorse au mot d'ordre de grève traduit en fait le souci du Cnes de ne pas pénaliser les étudiants et leur faire courir le risque d'une année blanche, d'autant plus qu'en Kabylie, on en a déjà fait l'amère expérience. D'ailleurs, la direction du Cnes n'est pas sans ignorer l'angoisse de l'avenir chez les étudiants, auxquels elle adresse une lettre où il est mentionné: «Cette grève de fin d'année (qui vise fondamentalement les examens et les délibérations) est l'ultime recours des enseignants qui ont toujours à coeur vos préoccupations légitimes d'étudiants. La responsabilité de la non-validation éventuelle de cette année universitaire incombera exclusivement aux pouvoirs publics qui détiennent seuls la clé des solutions. En tout état de cause, les enseignants s'engagent à faire ce qui est en leur pouvoir pour éviter que les étudiants supportent seuls le poids de la politique irresponsable menée à ce jour dans le secteur de l'enseignement supérieur.» Hier, dans une conférence de presse organisée au siège du Cnes, à Alger, les principaux animateurs du syndicat, dont MM.Khouas, Chouicha, Cherbal... ont expliqué que le recours à la grève illimitée vient après «le silence total et calculateur des pouvoirs publics devant les revendications et les actions de contestation mesurées, organisées par les enseignants». Faut-il rappeler que les grèves des enseignants du supérieur sont devenues cycliques depuis plusieurs années, le Cnes et le ministère de l'Enseignement supérieur n'arrivant pas à s'entendre sur un accord. Pourtant, les pouvoirs publics, avance-t-on, se sont engagés dans une loi de 1998, après la grève spectaculaire du Cnes, entre 1996 et 1997, à respecter leurs engagements vis-à-vis du partenaire social par un protocole d'accord exécutoire. Aujourd'hui, le conflit perdure avec, à la clé, les mêmes points d'achoppement, à savoir la valorisation des salaires de base, la révision du statut de l'enseignant et la préservation du caractère de service public de l'enseignement supérieur. Au deuxième jour et remarquant que la grève s'installe progressivement, les initiateurs du mouvement de protestation sont plutôt satisfaits. Ainsi en est-il à l'Usthb (Bab Ezzouar), à l'INA (agronomie), à l'ENS, aux universités de Boumerdès et d'Alger. Quant à Sétif, Djelfa et Annaba, outre la grève qui s'est installée, ce sont les examens qui n'ont pas eu lieu. Sachant qu'à l'université Badji-Mokhtar de Annaba, une centaine d'enseignants a répondu présent à l'appel du Cnes et où l'ex-recteur, le Dr Barkat, aurait été «relevé de ses fonctions de façon humiliante», signale-t-on. A l'Ouest, cinq universités auraient rejoint la dynamique de la grève, citons celles de Tlemcen, de Chlef, de Sidi Bel Abbes et de Mostaganem. Les prochaines AG (assemblées générales) permettront à coup sûr aux éléments du Cnes d'apporter les ajustements nécessaires à leur démarche. D'ici à là, tous sont décidés et maintiennent le cap quant au boycott des examens. Un blocage qui fait que l'université ne pourra être gérée l'année prochaine, du fait de l'impact qu'aura une telle situation sur le flux des étudiants. Le scénario risque d'être catastrophique. En agissant de la sorte, les enseignants du supérieur transmettent un chaudron brûlant aux pouvoirs publics. Ils ont jusqu'au 10 juin, au plus tard, pour se prononcer.