Requalifier les relations entre l'Algérie et la France est à l'ordre du jour. Mobiliser les sociétés civiles de l'Algérie et de la France pour dépassionner l'histoire. Tel est l'objet de la session de concertation qu'organisent, conjointement, le Conseil national économique et social (Cnes) et son partenaire français, le Conseil écologique, social et environnemental (Cese). «Le chemin vers l'Union pour la Méditerranée passe par Alger et Paris», a annoncé, dimanche, Jacques Dermagne, président du Cese, à l'ouverture des travaux, au Palais des nations à Alger. En plein dans le mille. La déclaration de M.Dermagne définit la dimension politique de la session qui se veut un point de jaillissement d'une nouvelle conception des relations algéro-françaises libérées du lourd contentieux colonial qui pèse, aujourd'hui encore, sur les rapports d'Etat à Etat entre les deux pays. «Notre session se veut profondément fondatrice d'un espace de dialogue et de concertation abritant la capacité de dire, d'être et de faire de nos sociétés civiles organisées respectives, côte à côte avec tous les autres acteurs relevant des cadres institutionnels et péri-institutionnels formant pont coopératif et partenarial entre nos deux pays», a indiqué Mohamed Seghir Babès, président du Cnes, dans son allocution d'ouverture. Plus explicite, M.Babès a souligné qu'au-delà des relations politiques et économiques entre les deux pays, «Il convenait plus que jamais, au moment où le rôle de la société civile prend tout son sens dans un monde en plein bouleversement, que les sociétés civiles d'Algérie et de France s'approprient la dynamique du partenariat pour lui imprimer une impulsion nouvelle à hauteur de leurs ambitions.» Aussi, le président du Cnes a insisté sur la construction «de mécanismes participatifs» à même de permettre aux sociétés des deux rives d'être parties prenantes «au processus décisionnel relié aux divers registres de la gouvernance partenariale». En somme, l'initiative a pour ambition d'«établir un partenariat privilégié» pluriel entre l'Algérie et la France. Seulement, cela ne peut se faire sans se réapproprier la mémoire commune des deux pays en démystifiant le passé de toute sorte de préjugés. D'ou l'utilité de «clés pour comprendre et requalifier la relation Algérie/France», l'intitulé sous lequel est placée la table inaugurale des travaux dont la séance a traité du «rôle indépassable des sociétés civiles organisées face aux défis et enjeux d'une mémoire apaisée car, assumée et partagée». De son côté, Jacques Dermagne a mis en exergue l'opportunité qu'offre cette session aux deux sociétés, algérienne et française, «de participer à l'écriture de leur histoire». Se disant «privilégier les mots du coeur à ceux des convenances», M.Dermagne a décliné trois raisons qui, selon lui, offrent une dimension historique à ces travaux. Ces raisons sont liées à «la Méditerranée, la crise économique mondiale et l'espace méditerranéen». Pour la première, «la Méditerranée est le berceau de notre civilisation». Pour la seconde, «la crise financière, économique et sociale que nous vivons requiert une coopération continue sans laquelle nous ne pouvons en sortir qu'affaiblis». Enfin, concernant l'espace méditerranéen, «cet espace recouvre des relations économiques, politiques et sociales complexes», a reconnu M.Dermagne qui, toutefois, a préconisé «la construction d'un espace de diversité dans le respect de la culture et de l'histoire ainsi que dans la préservation des intérêts de chacun des deux peuples». En d'autres termes, M.Dermagne a appelé à l'établissement de relations diversifiées entre l'Algérie et la France fondées sur une dynamique qui fait sien le principe de «gagnant-gagnant». Afin de relever ce défi, M.Dermagne a proposé de «construire une identité méditerranéenne fédérale». D'autant plus que la Méditerranée constitue, selon le président du Cese, une zone d'échange faisant de chacun des deux pays l'un des partenaires les plus importants de l'autre. A titre d'exemple, M.Dermagne a relevé que «la Méditerranée abrite 25% du trafic maritime mondial et 30% du trafic pétrolier». Répartie en six tables rondes, la session de concertation entre le Cnes et le Cese s'étalera jusqu'au 25 février en cours (demain). Les thèmes choisis pour ses journées de rencontres et de débats mettent en exergue l'importance du rôle des sociétés civiles dans le travail de démystification du passé commun, de redéfinition du présent et de construction d'un avenir d'intérêt mutuel entre l'Algérie et la France. Ouverte à Alger, cette session clôturera ses travaux à Marseille, de l'autre côté de la Méditerranée. Quatre ans après le vote, en France, de la loi dite du 23 février 2005, portant sur l'apport positif du colonialisme dans les pays de l'Afrique du Nord, notamment en Algérie, les deux conseils ont conjugué leurs efforts pour ouvrir une nouvelle page dans les relations entre les deux pays. Pour cela, les sociétés civiles des deux pays semblent constituer les jokers gagnants de la démarche des deux conseils. Au vu du rôle déterminant joué par la société française dans l'abrogation de la loi évoquée, le choix des deux partenaires est loin d'être le fruit du hasard.