Amazigh Kateb, en solo, a marqué son retour en force jeudi sur la scène artistique algérienne. Maintenant c'est comme un grand chef qu'il évolue, en solo, loin de la troupe Gnawa Diffusion même si petit Moh, au mandole, choeur et karkabou est toujours là pour donner le ton à ses morceaux, pour la plupart de tonalité chaâbie. Amazigh se produira tard la nuit après deux troupes de musique africaine. Ce soir, c'est le baptême du feu de son nouvel album. Alors que Samira Brahmia se produisait, elle, au Théâtre de verdure de l'Oref, la majeure partie du public a préféré assister au concert d'Amazigh Kateb au niveau de l'esplanade, dont la première partie a vu le passage de plusieurs troupes folkloriques nationales et étrangères. D'ailleurs, c'est tôt que le public composé de jeunes passionnés de musique gnawa et diwan ont fait le déplacement. Ils étaient des centaines à 17h munis qui de son incontournable chèche et qui de son karkabou. La nouveauté? Amazigh est accompagné d'un Dj aux manettes de ses platines distillant des sons électro, qui donnent plus d'épaisseur aux morceaux. Bab El Oued Kingston est d'ailleurs revu, mixé pour donner à écouter du son neuf. Amazigh qui ne se départit pas de son humour sarcastique décapant prévient: «Mesdames, mesdemoiselles et messieurs, je dis ça car le concert entre dans un cadre officiel...Hatetgueleb!» L'artiste qui commente son come back, sa tignasse de cheveux en moins, égratigne le système corrompu, les arrivistes et chante pour les miséreux et les marginaux, des textes puissamment beaux et critiques à la fois. «L'Algérie porte le foulard la journée et fait peur la nuit», chante-t-il. A l'aide d'un gumbri, il évoque «le Keblouti» si cher à son père (in Nedjma de Kateb Yacine Ndlr). Il chante aussi ce «sang qui a trop coulé en Afrique» invoquant les feux de dieux, les ancêtres pour déboucher sur cette Algérie, métamorphosée en «une figue de Barbarie», douce à l ‘intérieur mais violente, rêche à l'extérieur. Amazigh Kateb explore les sons, flûte, gumbri, déclinaisons raï, roots, tribal,il met le public en émoi et chante encore pour les «papichettes», les filles de son pays, lui l'éternel séducteur. J'ai fait un rêve, celui de voir un jour une femme présidente dans ce pays!» Le chaâibi, vraisemblablement source inépuisable d'inspiration pour lui est bien présent ce soir. La voix d'Amazigh n'a pas pris une ride. Toujours aussi modulable et vigoureuse, prête à soulever des montagnes «Pas de professeur, ni de directeur, ni loi, ni Constitution mais si loi il y a, il faut qu'elle soit appliquée!», tonne-t-il. Amazigh égratigne la «France qui raconte une histoire sans souffrance» mais aussi les USA, Israël...La musique est bonne, les textes toujours aussi bien écrits et acerbes. Amazigh a fait un sans-faute. Le public s'est déchaîné, y compris en bas de scène. Mieux, il a fait danser même des officiels africains. Ce sont celles-là les véritables images d'Amazigh et puis du Panaf, celles de la transgression et du partage! Reste à savoir quand son nouvel album sortira en Algérie?