L'état a légiféré sur les constructions inachevées pour se doter d'un parapluie en cas de catastrophes naturelles. Le centre de presse d'El Moudjahid a consacré hier une table ronde au dossier de la rénovation urbanistique et aux implications de la loi sur les régularisations des constructions inachevées. Les experts dans le domaine de l'urbanisme n'ont pas mâché leurs mots pour dénoncer cette mesure. Ils estiment qu'elle est opaque et incomplète. La première à s'exprimer fut la secrétaire générale du conseil national de l'Ordre des architectes, Aïcha Ouadah. Cette dernière a, de prime abord, été très claire. «Nous ne voulons pas assumer la responsabilité d'un projet auquel nous n'avons pas été associés», a-t-elle fait savoir. Avant d'ajouter qu'«il y a un éclaircissement à faire et que des décrets d'application devraient être plus explicites». Les raisons de cette prise de position, le professeur Chelghoum Abdelkarim nous les donne. Cet expert en génie parasismique et numérique sismologie a alors avancé que cette loi reste incomplète du moment qu'elle réunit dans un seul et même groupe tous les types d'habitations. Il a ensuite expliqué que cette loi doit absolument être soumise à un débat national auquel participeront tous les acteurs concernés, notamment les architectes. Le débat devrait contribuer à dégager les responsabilités de chacun pour éviter de tomber dans le piège du séisme de 2003, dit-il. Il a indiqué que «cette loi doit être soumise à un débat national démocratique. Les architectes n'ont pas été consultés pour l'élaboration de cette loi». Il est rappelé que suite au séisme de 2003, l'Etat s'est dégagé de toute responsabilité dans l'effondrement des bâtisses en pointant du doigt les techniciens. Et c'est justement ce piège que craint Ladjouz Kheireddine, président du conseil de l'ordre des architectes d'Alger. Pour lui, cette loi n'est qu'un instrument de plus pour se protéger dans le cas où des catastrophes telles que les inondations de Bab El Oued ou encore le séisme de 2003 se reproduisaient. «Dans cette loi, on a occulté qui fait quoi, et l'administration est responsable de tout et de rien, elle a créé un décret pour se protéger (...) Le jour où on définira qui fait quoi, les responsabilités et les champs d'action de chacun, on pourra appliquer cette loi», a-t-il argumenté. Il a poursuivit en ajoutan que «nous avons été invités à discuter le décret, mais aucune des 30 recommandations que nous avons faites n'a été retenue par la commission de l'habitat (...) Ils ont omis des facteurs fondamentaux de l'acte de construire et de la sécurité des citoyens». Abondant dans le même sens, le professeur Chelghoum a ajouté que «cette loi ne prend pas en considération les zones à risques (...), elle gagnerait à être parachevée d'une identification des constructions par zones, c'est-à-dire faire une typologie des constructions à raser, à déplacer ou à fortifier». Et lorsque ce n'est pas la loi qui est critiquée, c'est le ministre lui-même qui fait les frais de l'ire des architectes. «Le ministre de l'Habitat délivre des agréments ponctuels alors qu'il n'en a pas le droit», a-t-on indiqué.