Tous les écrits, nationaux et étrangers, mettent en avant l'aspect «préfabriqué» du soulèvement du 5 Octobre. Beaucoup a été dit et écrit sur le 5 Octobre 1988. Décrypter un mouvement qui a induit la rupture, tel était le dessein de nombreux analystes et journalistes qui se sont essayés à comprendre le pourquoi de la chose. Parmi ces auteurs citons Abed Charef, Abdelkader Harichane, ( Le FIS et le pouvoir, éditions Lalla Sakina ), M.Boukhobza, Lakhal (L'Algérie de l'indépendance à l'état d'urgence ), Botiveau Bernard (L'Algérie par ses islamistes ) éditions Khartala, Lahouari Addi (Algérie et démocratie, pouvoir et crise du politique dans l'Algérie contemporaine, éditions la Découverte. ) Et autres cahiers noirs d'octobre...Ainsi, avec une touche journalistique Abdelkader Harichane écrit: «Mardi 4 octobre, le soir. Des adolescents sortent dans les rues de Bab El Oued, crient et cassent quelques vitres. La police riposte et rétablit le calme.» Mercredi, tôt le matin, la scène se reproduit dans différents quartiers de la capitale. Tous les édifices publics sont ciblés. Vers dix heures, la ville est conquise. Elle est à la merci des jeunes déchaînés. Sans mots d'ordre, sans slogans, ils s'expriment par la casse. Ils cassent les vitres, brûlent documents, rideaux et meubles, renversent les voitures de l'état, dressent des barricades dans les rues et s'adonnent à la destruction. «(...) pendant la nuit, les militaires prennent position autour des édifices publics. Des chars sont installés dans les places stratégiques de la ville. Jeudi, à midi les émeutes se répandent à travers d'autres régions du pays. Le président décrète l'état de siège. La télévision et la radio diffusent en permanence un appel au calme. On entend les premiers tirs dans les rues (...) Ahmed Sahnoun, «le père spirituel» «de la mouvance islamiste adresse une mise en garde au Président de la République. Vendredi. La journée est relativement calme. Des milliers d'islamistes marchent de Belouizdad à la Place du 1er Mai, sans incident. Dans cette atmosphère de violence s'entame la course au leadership au sein de la mouvance islamiste. Une lutte farouche, non déclarée, s'installe entre le vieux Ahmed Sahnoun et le jeune prédicateur de Bab- El- Oued, Ali Benhadj.» Après la première marche islamiste une campagne de sensibilisation est menée pour reprendre la manifestation. De son côté, le clan des démocrates et des défenseurs des droits de l'Homme se mobilise, comme le note si bien Abed Charef dans son écrit: «Algérie 88, un chahut de gamins...?» Les violations des droits de l'homme révélées au grand public à la suite des évènements d'octobre ne sont pas nouvelles. Le discours officiel sur le renforcement de l'Etat de droit cache en fait une réalité qui n'est pas toujours telle qu'on la décrit, et un avocat a souligné qu'il faut créer l'Etat de droit, à cause des violations quotidiennes banales des droits de l'Homme (...) En fait, les événements d'octobre ont révélé une «dérive» qui a atteint un degré que peu de gens pouvaient imaginer. C'est le prolongement logique d'une situation qui existait déjà depuis plusieurs années, que n'ont pas manqué de souligner les avocats. Des résultats ont été atteints. Mais les droits de l'Homme restaient un sujet tabou. Quelques graves erreurs judiciaires sont ainsi révélées au grand public. A la veille du 5 octobre, les arrestations préventives commencent. Elles sont effectuées, sans mandat, par des individus qui ne déclinent pas leur identité. Les personnes arrêtées sont détenues pendant des périodes qui dépassent largement les délais de garde à vue de quarante-huit heures, sans être présentées au parquet. «Ce sont des arrestations arbitraires», avait déclaré Me.Brahimi, président de la LADH, qui eut M.Ali Benflis comme membre de son comité directeur. Comité qui avait exposé au chef de l'Etat, Chadli Bendjedid, les problèmes posés par les violations des droits de l'Homme. La suite des événements prouva, comme rapporté par des écrits, officiels ou non, que les islamistes ont bel et bien récupéré le mécontentement populaire. Face à cette situation explosive, le Président a fini par sortir de son silence en s'adressant au pays dans la soirée du 10 octobre annonçant des réformes politiques. Les islamistes ont-ils cherché à faire pression sur le Président avant son discours radiotélévisé? S'interrogeant sur d'autres aspects de la crise, des chercheurs relèvent que ces derniers, bien organisés, ont profité du vide politique créé par les arrestations opérées avant et après le 5 octobre, arrestations qui ont touché exclusivement des centaines de militants communistes et démocrates. L'audience accordée par Bendjedid à Abassi Madani, annonçait déjà la tendance de l'après-5 Octobre, alors que, dans la foulée, le FFS est enfin légalisé.