Les deux années qui nous séparent des échéances électorales risquent de donner lieu à de nouvelles protestations sociales Sidi Saïd et Karim Djoudi s'inquiètent de la dégradation du pouvoir d'achat des travailleurs. A quelques mois de la tenue de la tripartite, les déclarations des deux hommes sonnent comme un aveu d'échec des politiques sociales et économiques mises en place. Le secrétaire général de l'Ugta, Sidi Saïd, pense que les spéculateurs sont à l'origine de la hausse des prix de certains produits de consommation. De son côté, le ministre des Finances, Karim Djoudi, avoue que l'inflation n'épargnera pas les consommateurs. C'est exactement ce que voulait éviter le Premier ministre, Ahmed Ouyahia. Il l'avait explicitement annoncé en décembre dernier à la clôture de la tripartite. Pour lui, il était important que l'augmentation du Salaire national minimum garanti ne soit pas annihilée par des hausses de prix. Le marché en a voulu autrement. Les ouvriers et les classes moyennes ont vite fait d'exprimer leur désarroi devant cette situation. Les travailleurs de la Snvi de Rouiba ainsi que les travailleurs de l'éducation et de la santé ne cessent d'appeler à des augmentations importantes des salaires. Ils ne sont pas du tout satisfaits par les propositions du gouvernement dans ce domaine. Ils ne sont pas les seuls. Même des responsables des partis de l'Alliance présidentielle n'ont pas tardé à soutenir les mouvements sociaux. Le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, et le président du conseil exécutif du MSP, Bouguerra Soltani, ont tous deux jugé que le droit à la grève est garanti par la Constitution. Ce qui n'empêche pas la justice d'ordonner aux travailleurs de l'éducation de rejoindre leurs postes. Mais cela révèle le fossé qui sépare les partenaires. Ouyahia préférant parler de manipulation. Plusieurs mois avant les élections législatives, tout semble indiquer que c'est la campagne électorale anticipée qui est enclenchée. Il est toujours bon dans ces cas de s'afficher en tant que défenseur des couches populaires. Si cela permet d'égratigner au passage des rivaux politiques, ce sera toujours des points à engranger. Au risque de faire voler en éclats l'Alliance présidentielle. Le «la» est déjà donné lors du renouvellement partiel du Sénat. Le RND, estimant que l'alliance ne concerne que l'application du programme du Président, n'a trouvé aucun inconvénient à s'allier à d'autres partis. Le FLN n'est pas dupe: l'application du programme du Président est aussi une affaire des institutions élues. Jusqu'à présent, ces dernières n'ont pas été très présentes sur le front social, préférant laisser l'initiative à l'Exécutif. Tous les regards sont tournés vers le ministère du Commerce, dirigé par un membre du MSP, en l'occurrence El Hachemi Djaâboub. Ce dernier prépare, bel et bien, un projet pour amender la loi sur la concurrence. Ce serait les marges des commerçants qui seraient contrôlées. Mais lorsqu'il s'agit de produits boursiers importés qui s'enflamment, les commerçants ne pourront pas vendre à perte. Le plafonnement des marges ne fera, en outre, que déplacer le problème. Les commerçants changeront simplement d'activités au sujet desquelles le gouvernement sera moins regardant. L'autre conséquence est le risque d'assister à des pénuries de certains produits et à l'augmentation de leurs prix. La loi du gouvernement risque de provoquer un phénomène qu'elle veut justement combattre. Il aurait été plus judicieux de se pencher sur le sort des unités de production des produits alimentaires mais pas seulement afin de parvenir à un approvisionnement régulier du marché. Toute cette panoplie de mesures ne vise qu'à chercher de nouveaux moyens de rétablir la confiance auprès des citoyens dans l'espoir de les détourner de la tendance à verser dans des émeutes, ce qui n'est guère fait pour offrir une belle image du pays. Pour l'instant, la déconnexion est grande entre les citoyens et leurs représentants, élus ou non. De l'aveu même du ministre des Relations avec le Parlement, Mahmoud Khoudri. Même Belkhadem est d'avis selon lequel les politiques ne sont pas assez à l'écoute de la rue. Faudrait-il, pour se faire entendre, descendre dans la rue? Pour ne pas arriver à cette extrême, ce sont des plans de développement dédiés à plusieurs secteurs qui sont proposés jusqu'à 2014. Les syndicats ne semblent pas accueillir favorablement ces promesses.