Le chahid a été guillotiné trois minutes après Ahmed Zabana. «Très chers parents, chère mère, je vous écris cette lettre, je ne sais si c'est la dernière, Dieu seul le sait. Toutefois, s'il m'arrive quoi que ce soit, il ne faut pas croire que c'est fini, parce que mourir pour la cause de Dieu, c'est croire à la vie éternelle, et mourir pour sa patrie, ce n'est qu'un devoir. Et votre devoir, c'est d'avoir sacrifié l'être le plus cher. Il ne faut pas me pleurer mais au contraire, il faut être fier, de moi. Enfin, recevez peut-être le dernier bonjour du fils et frère qui vous a toujours chéris. Le bonjour à toi, mère, à papa, à mon frère Houari, à toi cher frère Abdelkader ainsi qu'à tous ceux qui partageront votre peine.» C'était la dernière lettre du chahid Ahmed Zabana à ses parents. Il l'écrivit de la prison de Serkadji où il fut guillotiné un certain 19 juin 1956 quelques minutes avant 4h du matin. Le souvenir de cet homme, qui s'est sacrifié pour la patrie, est selon l'Association nationale des condamnés à mort, l'occasion pour sortir de l'ombre un autre homme mort sous la même guillotine, le même jour, à la même heure, par le même bourreau et par le même ennemi. Pour la même cause devrait-on le signaler. En effet, le 19 juin à 4h du matin, trois minutes après l'exécution du chahid Zabana, a été guillotiné le prisonnier numéro 1791, condamné à mort pour les mêmes chefs d'inculpation. Cet homme s'appelait Abdelkader Ferradj. Né dans une famille paysanne très pauvre le 2 avril 1921 à Oued Aïssa, douar de Bourouta, commune de Kadiria, dans la wilaya de Bouira, Ferradj travaillera comme civil chez l'administrateur après des études coraniques à la mosquée du village. Contraint à s'enrôler dans l'Armée française, il désertera au déclenchement de la Révolution pour rejoindre les rangs de l'Armée de libération nationale. Arrêté le 26 mars 1956, Abdelkader Ferradj sera, à l'issue d'un procès expéditif, condamné à mort, le 3 mai de la même année, pour avoir pris des armes de la caserne pour les acheminer vers le maquis par le biais de son beau-frère et pour avoir commis des attentats dont celui du 25 février 1956 contre un convoi de paras. L'homme aura le même sort que Zabana pour les mêmes raisons, aussi. C'est pour rétablir cette vérité que l'Association nationale des condamnés à mort a entamé depuis 2004, un travail de recherche et de réhabilitation. Ce 19 juin, un hommage sera rendu à ces deux personnages repères. Cette occasion permettra aussi de réhabiliter Abdelkader Ferradj après un oubli qui a duré depuis l'Indépendance et que rien ne justifie. Aussi, exhumer de l'oubli ce combattant, participera sans nul doute à l'écriture de l'Histoire de la glorieuse guerre de Libération nationale. C'est aussi une façon de faire connaître certaines vérités qui échappent aux préoccupations des générations post-indépendance. Connaître son histoire, est l'unique voie pour aborder le futur d'une nation. En fait, le devoir de mémoire pour Abdelkader Ferradj concerne aussi certains hommes dont les faits d'armes sont légendaires et qui méritent d'être tirés de l'oubli. Dans chaque village, les vieux et les vieilles parlent encore de batailles, de personnages emblématiques et de faits d'armes pour lesquels les enfants ne trouvent pas de traces dans les livres d'école.