Pourtant, rien ne prédisait un tel scénario au départ. La salle omnisports de Draâ Ben Khedda, pratiquement remplie à 14h, ne laissait entrevoir aucun signe patent de tension. Les sympathisants et les militants du FLN étaient nombreux et gravitaient autour de la scène. En haut, dans les tribunes, les sympathisants des ârchs (pour la plupart des lycéens) se faisaient bruyants. Les deux camps cohabitaient pacifiquement au départ, sous l'oeil vigilant d'un impressionnant déploiement des services de sécurité. 15h 40, avec près de deux heures de retard, Ali Benflis faisait son apparition au milieu d'un cortège de députés et de militants de toute la wilaya. A sa vue, la foule hostile le sifflait copieusement. Les leitmotive habituels des ârchs: «Ulac smah ulah, Kabylie chouhada...» fusaient du haut de la tribune. Akli Arbouche, le mouhafed de Tizi Ouzou, qui devait préparer le terrain à son «mentor», avait du mal à se faire entendre. Même l'hymne national n'a pas été épargné. C'est dans cette hostilité que le secrétaire général du FLN prenait la parole. Après les formules d'usage, Ali Benflis, vêtu d'un burnous pour la circonstance, rappelait à l'assistance l'enracinement du parti de libération en Kabylie. «A l'instar de toutes les régions du pays, le FLN, grâce à ses valeurs démocratiques, a toujours été présent dans cette région, berceau de la Révolution nationale», lancera-t-il pour titiller l'ego de l'assistance, avant d'enchaîner qu'il est venu en Kabylie porteur d'un message de paix et de fraternité «à nos frères kabyles». Prononçant quelques mots en chaoui, Benflis déclare qu'en sus de semer la graine de la réconciliation entre les frères d'une même nationalité, il est à Draâ Ben Khedda «pour trouver des solutions au marasme et à la situation délétère vécus par la wilaya de Tizi Ouzou». Outre la foule hostile, le numéro un du FLN était desservi par une sonorisation défectueuse. Entrecoupé par intermittence par les voix réfractaires aux élections, Ali Benflis martelait que son parti a toujours soutenu et accompagné la revendication amazighe, avant de s'adresser à la tribune d'en haut pour dire: «Je ne suis nullement perturbé par le débat contradictoire, c'est le principe de la démocratie, mais à condition que cela se fasse dans les règles de la concurrence loyale.» S'attaquant au programme de son parti, il passera en revue les vingt chantiers qu'il s'attelle à concrétiser pour revaloriser la relation entre gouvernants et gouvernés. Ali Benflis expliquera également la charte de l'élu, une sorte de principes directeurs régissant la mission de l'élu. Pour conclure, Ali Benflis annonce qu'il était content d'être à Tizi Ouzou, et a remercié les citoyens pour leur mobilisation. Pour lui, «cela dénote du retour en force du FLN à travers tout le territoire national». Au moment où le secrétaire général s'apprêtait à quitter la salle, l'édifice était bombardé de projectiles. Les vitres volaient en éclats et c'est la panique à l'intérieur. Benflis se fraye difficilement un passage jusqu'à son véhicule. Il a fallu l'intervention des brigades antiémeutes qui ont usé de bombes lacrymogènes pour disperser une foule surexcitée. La tension baissée, le cortège s'ébranlait et prenait la direction d'Alger. Manifestement, Ali Benflis se souviendra pour longtemps de cette «virée» en Kabylie.