Les diplomates continuent leurs consultations à l'ONU en vue de trouver un accord sur l'Irak. Les Etats-Unis ont, dit-on, assoupli leur position intransigeante à propos du retour des inspecteurs onusiens en Irak, Washington exigeant l'«automaticité», d'une frappe de l'Irak, en cas de non-respect par Bagdad de ses obligations. Exigences réfutées par tous les pays permanents du Conseil de sécurité - à l'exception notable de la Grande-Bretagne qui continue de calquer ses dispositions sur celles des Américains - qui estiment qu'il fallait donner d'abord sa chance à un règlement diplomatique et politique du contentieux irakien. Isolés au plan international, les Etats-Unis n'en maintenaient pas moins une attitude très dure et inflexible envers le régime de Saddam Hussein, que Washington compte bien déposer à la faveur d'une attaque globale contre son pays. La presse américaine ayant même fait valoir, ces derniers jours, l'existence d'un plan prévoyant l'occupation de l'Irak, avec commandement militaire américain, qui est actuellement en discussions dans les sphères dirigeantes proches de la Maison-Blanche. Cela va un peu plus loin que ce qu'exigent les Nations unies: le désarmement de l'Irak et la destruction, s'il y a lieu, des armes prohibitives que détient, ou détiendrait, Bagdad. En fait, c'est dans les priorités de l'action à mener en Irak que les divergences sont apparues, pour ainsi dire inconciliables. Les Nations unies et la communauté internationale veulent désarmer l'Irak, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, alors que les Etats-Unis exigent, outre le désarmement, l'élimination du régime du président Saddam Hussein. A partir de là, un véritable dialogue de sourd s'est instauré où les Américains ont, à plusieurs reprises, menacé d'agir sans l'ONU. Forts du feu vert donné par le Congrès américain, à une éventuelle attaque contre l'Irak, les dirigeants américains dans leurs différentes déclarations ne donnent pas l'impression d'avoir réellement abandonné leur exigence d'une résolution ou figurerait «la frappe automatique» de l'Irak. Ainsi, selon le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, «les Etats-Unis agissent actuellement en vertu de l'autorisation donnée la semaine dernière au président (Bush) par le Congrès» (autorisation permettant au président américain de mener une attaque contre l'Irak). Dès lors, si assouplissement de Washington il y a, il faudrait l'attendre du projet de résolution que les Etats-Unis comptent déposer dans les prochains jours, sinon dans les prochaines heures. A ce titre, l'ambassadeur américain à l'ONU, John Negroponte, s'exprimant lors du débat sur l'Irak, jeudi, a déclaré que les Etats-Unis «allaient, dans un futur proche, déposer devant le Conseil de sécurité une résolution contenant les exigences claires et immédiates auxquelles l'Irak doit se conformer». Certes, les Américains qui, jusqu'ici, voulaient une seule résolution «forte» se sont résignés à nuancer leur exigence, mais maintiennent l'obligation d'une décision ferme du Conseil de sécurité. Ainsi, l'émissaire américain pour le Proche-Orient, William Burns, qui séjourne depuis vendredi dans la région, a déclaré hier au Caire, au terme d'un entretien avec le président Hosni Moubarak: «La nouvelle résolution sur laquelle nous travaillons à New York doit dire clairement que la communauté internationale ne tolérera rien de moins qu'un respect total (par l'Irak) de ses obligations en matière de désarmement.» Quand la communauté internationale essaie de trouver une issue pacifique au dossier irakien, les Américains faisant cavalier seul, continuent d'exiger une fermeté synonyme d'attaque contre l'Irak. Ce qui fait que le chef de la diplomatie russe, Igor Ivanov, a réitéré, jeudi dernier, à son homologue américain, Colin Powell, «la position de principe de la Russie en faveur d'un règlement politico-diplomatique de la question de l'Irak». Position partagée par le président français, Jacques Chirac, qui affirma, lors du Sommet de la francophonie à Beyrouth: «Ce qui est essentiel, c'est qu'il n'y ait pas d'automaticité d'intervention couverte par la communauté internationale avant même que l'on sache quelle sera réellement la coopération qu'apportent les autorités irakiennes à l'inspection.» Ainsi, la communauté internationale semble appréhender les retombées terribles d'une attaque américaine contre l'Irak, sauf les Américains qui continuent de pousser à la guerre.