«S'il y a des gens qui pensent comme moi, qu'ils le fassent savoir!», déclare la ministre de la Culture. Elle l'a affirmé lors de la conférence portant sur le programme de l'événement «Tlemcen capitale de la culture islamique 2011». Elle l'a réitéré au micro des journalistes en aparté, à l'occasion du tour de manivelle d'un film qui sans doute va tourner au cauchemar pour son réalisateur, attaqué pour plagiat. La ministre de la Culture dit se battre presque contre des moulins à vent: «Nous travaillons dans la solitude et l'adversité.» Abordant le sujet de la récupération des salles dont le rythme se fait à pas de chameau, Khalida Toumi déplore le manque de soutien. Est-ce de la part de la famille du 7e art ou de celle du gouvernement? «Les salles de cinéma doivent revenir au cinéma», telle est sa devise. Et de se plaindre de nouveau: «Je vous le redis, je suis seule à me battre pour que les salles de cinéma reviennent au cinéma, si bien qu'il y a des gens qui trouvent que je suis folle. Maintenant, s'il y a des gens qui pensent comme moi, qu'ils le fassent savoir, comme ça, plus on est de fous, plus on s'amuse!», lâche-t-elle avant de faire remarquer les difficultés qui entravent cette décision. «Nous l'avons dit au Sénat. Entre 2005 et aujourd'hui, donc il y a 6 ans, nous n'avons pu récupérer que 40 salles. Pour récupérer les 200 qui restent, combien d'années faut-il? 20 ans! Maintenant qu'une loi existe, les gens qui se battent pour cet objectif vont avoir une base solide. Soulignez-le je remercie infiniment les députés algériens car c'est eux qui ont édicté cet article: que les salles doivent revenir au cinéma, vraiment bravo à l'Assemblée nationale.» La ministre de la Culture dira ne pas savoir comment accélérer les choses mais réaffirmera son désir de récupérer les salles. «Pas pour que le ministère de la Culture gère les salles, non, c'est ridicule, nous sommes une administration, mais c'est pour mettre de l'argent, pour les réhabiliter, les équiper et les donner aux jeunes Algériens.» Et d'arguer: «Nous avons des milliers de jeunes qui sont au chômage, diplômés du supérieur. Chaque salle de cinéma va créer au minimum 5 emplois, ce sont des emplois économiques. Dans une salle qui fonctionne, les gens payent leur ticket, il y a une petite taxe qui va au Fdatic, donc qui va financer encore d'autres films et une taxe qui va à la mairie, etc. Notre vision est très claire.» Evoquant la dernière nomination de Hors- la-loi, film de Rachid Bouchareb, dans la liste de meilleur film étranger, en compétition officielle, en lice aux Oscars, la ministre de la Culture n'a pas caché son enthousiasme suite à cette nouvelle tout en regrettant la polémique qui a entouré la sortie de ce film. «Il y a eu une polémique que je trouve triste, lamentable. La nomination de Hors-la-loi aux Oscars, je la vis comme une justice rétablie vis-à-vis de Bouchareb. Je dis que c'est triste et lamentable pour ne pas aggraver la situation. Car en fait, il y a eu une véritable guerre contre Rachid Bouchareb», a-t-elle estimé, qualifiant cette nomination encore une fois de «justice rendue à un artiste qui a subi la haine de gens qui n'ont pas encore digéré un fait simple qui s'appelle l'Indépendance de l'Algérie». Et de se demander: «Pourquoi Rachid Bouchareb a dû subir cela? Vous savez, les artistes sont des gens très sensibles, Rachid Bouchareb est un artiste très sensible encore plus car s'il refilme les bidonvilles de Nanterre c'est qu'il fait partie de cette génération d'enfants de l'émigration qui savent ce que c'est de naître dans un bidonville. Je ne pense pas que c'est facile ce qu'il a eu à subir mais en même temps, je lui tire chapeau car c'est un homme talentueux. Le mieux ce n'est pas au ministre de la Culture de son pays d'origine de dire que c'est un garçon talentueux car il est, français, le mieux est que ses pairs qui ne sont pas quelques dizaines, le fassent. Les Oscars fonctionnent comme les élections américaines, c'est un collège de trois mille grandes personnalités du cinéma qu'on ne peut acheter, ni corrompre, c'est pour cela que suis très heureuse vraiment, humainement parlant pour Bouchareb.» Le ministère de la Culture va-t-il se saigner de nouveau et continuer à subventionner d'autres films sachant que ce dernier a englouti énormément d'argent? Rachid Bouchareb avait, un jour, ironisé là-dessus en disant que cette fois, il allait laisser reposer un peu les caisses du ministère après les avoir vidées. L'auteur de Indigènes et London River faisait référence à son nouveau long métrage dont le tournage aura pour cadre les USA et portera sur la figure de la grande révolutionnaire Angela Davis. La question des subventions marquera une halte chez la ministre qui lancera un long soupir avant de lâcher: «Le ministère possède sa politique de soutien au cinéma national qu'il soit produit par des entreprises nationales ou dans le cadre de la coproduction». Elle rappellera aussi que Hors-la-loi a coûté la bagatelle de 19,5 millions d'euros et que l'Algérie a participé avec 24%. «L'aide publique française n'est que de l'ordre de 15%. La grande partie de l'aide publique est celle de l'Algérie. Voilà pourquoi le film a été placé sous la bannière algérienne», a-t-elle indiqué. Hors-la-loi est-ce une fin en soi? «Nous rêvons que d'autres cinéastes fassent d'autres films et mon rôle, en tant que ministre de la Culture est de me battre encore et toujours pour que les cinéastes aient les moyens de faire des films, ici en Algérie ou de coproduire, et que l'image et la voix de l'Algérie portent toujours plus loin et plus haut.»