Tour d'horizon de la question des binationaux dans le football en Espagne, Italie, Allemagne et Angleterre, à l'heure où ce dossier vaut à la Fédération française d'être plongée dans la tourmente. En Espagne, qui comptait fin 2010 5,7 millions d'immigrés (sur 47 millions d'habitants), la formation des footballeurs est surtout une affaire de clubs. Il n'existe pas d'équivalent de l'INF (Institut national du football de Clairefontaine). De nombreux joueurs frappent chaque année à la porte de l'équipe première du Barça. Et il n'y a pas que des Espagnols. Pour autant, ceux qui possèdent la double nationalité ont presque tous décidé de jouer pour l'Espagne: Bojan Krkic (déjà appelé chez les A), dont le père est Serbe; Jeffren Suarez, d'origine vénézuélienne; Thiago Alcantara (avec les moins de 21 ans), d'origine brésilienne. Cela n'avait choqué personne en Espagne lorsque l'Argentin Lionel Messi, arrivé au Barça à l'âge de 13 ans et qui a obtenu la nationalité espagnole en 2005, avait choisi de jouer pour l'équipe d'Argentine. A l'inverse, l'équipe d'Espagne a souvent accueilli des joueurs d'origine étrangère, comme récemment l'Argentin Mariano Pernia, qui avait disputé le Mondial-2006 et le Brésilien Marcos Senna, qui avait participé à la victoire à l'Euro-2008. Par ailleurs, l'Angleterre est confrontée comme la France à la question des joueurs éligibles pour plusieurs nations. On a ainsi beaucoup parlé dernièrement du jeune joueur de Manchester United (prêté à Sunderland) Danny Welbeck. Cet attaquant, né à Manchester de parents ghanéens, membre de toutes les sélections anglaises de jeunes, a fait ses débuts pour les «Trois Lions» en mars dernier pour affronter...le Ghana. Le sélectionneur Fabio Capello a été soupçonné d'avoir voulu le préempter pour éviter de le voir porter un jour le maillot du pays de ses parents. C'est d'ailleurs ce qu'Arsène Wenger avait conseillé aux Anglais de faire avec l'un de ses jeunes les plus prometteurs à Arsenal, le défenseur Emmanuel Frimpong, lui aussi d'origine ghanéenne et sélectionné pour l'Angleterre chez les jeunes. Ces dernières années, deux joueurs d'Aston Villa, Gabriel Agbonlahor, d'origine nigériane, et Nigel Reo-Coker, de parents sierra-léonais, ont repoussé les avances du pays de leurs ancêtres dans l'espoir de s'imposer avec l'Angleterre. L'équipe d'Allemagne, 3e du Mondial-2010, est la première à refléter la diversité de la population allemande avec 11 joueurs sur 23 nés à l'étranger ou/et de parents non-allemands. La communauté turque étant la plus importante en Allemagne (3 millions de personnes), c'est celle où la question de la bi-nationalité peut se poser. Le cas le plus célèbre concerne le meneur de jeu du Real Madrid et de la Nationalmannschaft Mesut Özil, qui a reçu des menaces de mort pour avoir choisi son pays de naissance plutôt que celui de ses parents. En revanche, Nuri Sahin (Dortmund), les jumeaux Hamit (Bayern Munich) et Halil (Francfort) Altintop ont choisi la Turquie alors qu'ils ont grandi en Allemagne et ont été formés par des clubs allemands. La Fédération turque a une démarche très «préventive» avec le recruteur Erdal Keser, un ancien joueur pro, qui approche les talents d'origine turque dès leur plus jeune âge. Allemands et Turcs sont en ce moment en concurrence pour Ilkay Gündogan (Nuremberg), international Espoir allemand présenté comme le nouveau Sahin. Enfin en Italie, la fédération (FIGC) se penche sur les failles de sa formation, surtout depuis l'échec du Mondial-2010, accentué par la piètre saison des clubs italiens en coupes d'Europe. Par analogie avec la formation française, qui veut privilégier à nouveau la technique plutôt que la puissance physique dans le recrutement des jeunes joueurs, l'Italie veut privilégier la technique plutôt que la tactique. «A 15 ans, nos jeunes pensent déjà replacement au lieu de penser à jouer», se désole l'ex-sélectionneur Arrigo Sacchi. L'Italie n'a pas encore rencontré le même type de problème que la FFF pour la formation de joueurs étrangers, car elle compte moins d'enfants d'immigrés que la France, et a seulement commencé récemment à former des joueurs étrangers, comme le Sénégalais Babacar Khouma à la Fiorentina.