Quatre courts métrages entre documentaires et fictions racontent la détresse de notre jeunesse et ses aspirations. L'association Chrysalide vient d'achever son cycle cinéma baptisé «Fabrication locale» par la projection de quatre courts métrages autour du thème «Fuir, mais pour aller où» comme dirait la chanson...Le premier film est celui de Tariq Teguia. Quatrième court métrage avant de passer au long, Haçla (23 mn) témoigne de l'impasse de notre jeunesse à aller de l'avant. Elle est en butte aux problèmes socio-politiques de son pays qui se répercutent fatalement sur son existence. Son horizon est bouché. Des jeunes à Bab El Oued témoignent de leur ras-le-bol, de leur misère et désespoir. «La vie ici s'est arrêté, on vit sous embargo. J'ai 28 ans. 28 ans de dégoûtage!» Des paroles qui résonnent dans le vide et tombent comme dans un champ de ruines au milieu de la poussière de cette ville dortoir. Kader Affak comédien, qui jouera plus tard dans le second long métrage du réalisateur Teguia, In land, a 32 ans et vit à Aïn Benian. Sa diatribe exprime pourtant la spontanéité à fleur de peau. Ses mots sont des coups de poings à tout un système rouillé. Pas de vie, pas de places publiques, pas de liberté d'expression. La beauté est ailleurs et le bonheur est une illusion. «Pourquoi ne pas le montrer alors?», Tarik Teguia, en fin plasticien qu'il est, allie toujours la profondeur de l'image plastique à celle du mental pour traduire le malaise et la désolation d'un pays en faillite, rehaussé de décombres urbaines. Le vide sidéral que ressentent ces jeunes qui s'adossent aux murs hideux d'une ville morne qui pleure sous la pluie alors que ces jeunes oisifs écument leur solitude en tournant en rond, «On est des paumés, il n'y a pas d'espoir. Qu'on me donne des millions et je ne resterai pas dans ce pays!», scande l' un d'entre eux dont la géographie intérieure est «reterritorialisée» en fonction de ses désirs et aspirations. Tous les films de ce soir se ressemblent, se complètent. Celui de Lamine Ammar khodja intitulé Alger moins que zéro (17 mn) est une descente aux enfers, où comment une partie de notre jeunesse tue son temps pour s'oublier à défaut de s'en sortir. Ce court métrage documentaire est un extrait de rushs tournés pour le besoin d'un autre film consacré à l'écrivain Aziz Chouaki. Alger moins que zéro compartimente les sujets qui viennent à surgir ici et là d'où les différents «actes» qui sédimentent le film. Des jeunes écument leur vin et se shootent à l'ombre de leur destin gris, dans la cave d'un immeuble. Une image symbolique qui renvoie d'emblée au niveau social de ces jeunes gens qui, faute d'ascension, n'en finissent pas de dégringoler dans le désenchantement jusqu'à se perde dans les méandres des «paradis inanimés». Dans leurs errements existentiels et psychiques, ils dévissent spontanément et évacuent leur hargne et leurs rêves. Naïvement parfois en surjouant comme dans une pièce de théâtre, ils font et refont leur vie mais sans pour autant se décider à trouver une solution qui les sortirait de ce trou. Ils parlent de tout et de rien. Un constat, hélas, d'échec qui les clouent à ce carré noir de la mort. Leur rêve pourtant est de partir loin, qui en France, qui en Hollande. Et si l'ailleurs n'était pas cet Eldorado que l'on chérit tant? Ghorba Legend de Amal Kateb nous immerge au coeur de cette réalité. La réalisatrice répond en images à certaines de nos questions. Elle nous fait partager le quotidien d'un groupe de jeunes immigrés qui vivent à plusieurs dans un studio et se débrouillent comme ils peuvent pour gagner leur vie en vendant des cigarettes, à la sauvette. La «légende» de Paris le paradis s'écroule! Tous les jours, ils risquent la prison. Ici la vie est dure et ils ne peuvent compter sur personne. La nostalgie se fait sentir. «On est obligé de faire le ménage soi-même contrairement au bled...C'est ça madame la France!», ironise avec dépit l'un d'entre eux. Réalisé dans le cadre des ateliers Varan, ce film vient basculer toutes les idées reçues des précédents films vus jusqu'à présent. Amel Kateb compte à son actif, depuis l'an dernier un nouveau court métrage, une fiction des plus abouties, qui a reçu plusieurs prix. Au titre éloquent, On ne mourra pas est son film qui l'a le plus fait connaître car touchant à un sujet sensible, la chasse aux journalistes durant la tragédie nationale. Enfin dans Djoûu (‘25) Djamil Beloucif qui joue dans son propre film signe une fiction de qualité qui met en situation deux personnages somme toute différents. Deux clandestins qui se retrouvent au milieu de nulle part, -ce no man's land maintes fois dépeint dans ses films-, ils ne parlent pas la même langue, sont de nationalités différentes, l'un vient du Nord et l'autre du Sud et pourtant ils parviendront à communiquer et à se comprendre. Une course-poursuite à l'allure du Projet blair Witch dans la nature et une rencontre improbable d'où jaillira la magie humaine. Djamil Beloucif filme ces deux hommes comme deux entités éloignées l'une de l'autre qui finissent par s'apprivoiser et dialoguer sans pour autant partager la même culture. «C'est une fiction que je raconte. Du moment que je représente quelque chose, ce message veut dire la vérifier..» soutient le réalisateur qui effectivement donne à voir une belle leçon de tolérance.