S´il y a une matière première que l´Algérie, outre le pétrole et le gaz, exporte «à discrétion» c´est bien la «matière grise» et les compétences. C´est bizarre, pour un pays en développement. Mais c´est ainsi! L´Algérie forme et exporte, à perte, cela va sans dire, son élite. Curieux, n´est-ce pas? Pourtant, cela dure depuis des décennies. C´est tellement évident que si les frontières occidentales sont hermétiquement closes aux émigrés algériens lambda, elles sont en revanche, largement ouvertes à la fine fleur et aux surdoués formés par l´Algérie. Ces cerveaux (ils sont médecins, ingénieurs, techniciens supérieurs, informaticiens...) ou «surdoués» dont l´Algérie a tant besoin, font le bonheur de pays comme les Etats-Unis, la France, le Canada et d´une manière générale l´Occident. Excusez du peu! Dans tous les secteurs - notamment ceux de l´industrie, de la santé et de l´agriculture - l´Algérie a connu un reflux pénalisant, souvent du fait du manque de personnel qualifié. Cela ne sert à rien, en effet, d´acheter les machines les plus perfectionnées, les plus sophistiquées sur le marché si l´on ne dispose pas de techniciens et d´experts capables de les faire fonctionner. C´est pourtant le cas de nos hôpitaux où des scanners rouillent faute de personnel adéquat pour une utilisation rationnelle. On peut multiplier à l´envi ces exemples qui montrent combien l´Algérie a reculé ces dernières années, jusqu´à dépendre totalement de l´importation, étant incapable d´assurer son autosuffisance alimentaire et industrielle. Il y a une ou deux décennies, l´Algérie figurait parmi les grands pays industriels africains avec une bonne dizaine de grosses entreprises. En 2010, le bilan est calamiteux où seules deux entreprises algériennes, dont le géant Sonatrach, émargent au palmarès des sociétés qui comptent en Afrique. Notre télévision est l´une des plus médiocres en Afrique et dans le Monde arabe. Pourtant, les journalistes et animateurs (hommes et femmes) formés par l´Entv sont légion qui font aujourd´hui les beaux jours des télévisions arabes et méditerranéennes. Un comble! Nous revenons ainsi à notre postulat premier: l´Algérie, au même titre que son gaz et son pétrole, exporte son élite. Est-ce normal, si l´on excipe du fait que ces élites ont coûté des milliards - souvent en devises - au Trésor public, outre le dommage occasionné à l´économie nationale par le manque d´hommes qualifiés dans de nombreux secteurs d´activités? Le plus représentatif et le plus illustre, sinon le plus connu et le plus médiatisé de ces «surdoués» est incontestablement le professeur Elias Zerhouni - aujourd´hui citoyen américain - honoré par l´université d´Alger il y a quelques années. Il fit tout son cursus scolaire et universitaire en Algérie avant d´aller se spécialiser aux Etats-Unis. L´Algérie est - à juste titre - fière d´avoir formé de telles personnalités, mais pour quelle finalité du moment qu´elle n´en dégage aucune plus-value pour le pays auquel les hommes de cette qualité font défaut. Ils sont aujourd´hui des centaines dans la situation de M.Zerhouni, qui professent dans les universités américaines, canadiennes ou françaises. Toutefois, exhiber ces élites, comme un trophée, confine au masochisme - la tendance s´en est ancrée ces dernières années - quand il aurait seulement fallu créer les conditions idoines pour retenir au pays ces «surdoués» qui l´ont fui et continuent de le fuir. Comment retenir notre élite? voilà la vraie question qui doit être posée. Aussi, ne pas s´interroger sur le pourquoi des déperditions de notre élite, revient à ignorer, voire à sous-estimer délibérément - pour ne point dire plus - l´impact néfaste qu´elles peuvent avoir sur le devenir du pays. La fuite des compétences algériennes interpelle en fait, les responsables du pays au plus haut niveau, d´autant que personne ne peut nier la gravité de la chose. Or, l´ampleur qu´ont pris ces «exportations» contre-nature inquiète.