La grève des pétroliers tend à se durcir. Après quelques mois d'accalmie, suite à l'éphémère putsch d'avril dernier, l'opposition anti-Chavez, président du Venezuela, est revenue à la charge, plus que jamais déterminée à déboulonner l'homme fort du pays. Dans cette optique, tous les moyens semblent bons et l'opposition a choisi comme fer de lance de son action l'industrie pétrolière sur laquelle elle s'appuie pour obtenir la démission du président Hugo Chavez. La situation déjà difficile s'est passablement aggravée après la fusillade de la place Altamira, en début de semaine, au coeur de la capitale Caracas, et ayant occasionné la mort de trois personnes et des blessures pour 29 autres. L'opposition en a tiré profit pour durcir le ton, radicalisant son bras de fer avec le président Chavez. Ce dernier a rejeté en bloc sur l'opposition le durcissement de la situation, notamment les violences qui ont émaillé les manifestations organisées ces derniers jours. Le conflit, au départ, tournait autour de l'organisation d'un référendum national, à la demande de l'opposition, qui voulait connaître le sentiment du peuple sur le maintien ou non de Hugo Chavez au pouvoir. Le Conseil national électoral (CNE) avait même fixé au 2 février la consultation référendaire. Toutefois, le gouvernement du président Chavez a contesté cette démarche et refusé de se soumettre à ce référendum consultatif. Les négociations entre les deux parties, entamées le 8 novembre, n'avaient rien donné et sont devenues caduques après la décision de grève générale prise, le 30 novembre, par la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV) et la Coordination démocratique (CD, regroupant une vingtaine de partis d'opposition). Cette dernière vient de prolonger indéfiniment la grève, commencée le 2 décembre. Le mouvement est rejoint par des cadres de l'entreprise Petroleos de Venezuela (Pdvsa), la société nationale qui a le monopole de la production pétrolière au Venezuela. L'immobilisation de l'industrie pétrolière met le pays dans une situation rien moins que confortable. C'est dire si la prolongation de ce bras de fer, outre d'affaiblir le pays, met en danger ses exportations d'or noir, d'autant que le Venezuela est l'un des plus importants fournisseurs des Etats-Unis. A la longue, le conflit opposition-Chavez risque d'avoir des retombées négatives sur le devenir du pays. De fait, le président Chavez a admis, certes à demi-mots, que la grève commence à affecter «la production» et que, sans doute, les exportations pourraient, à terme, s'en ressentir. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a eu recours, depuis dimanche, à l'armée pour, autant que faire se peut, tenter de sauver l'essentiel, la poursuite de la production et singulièrement les exportations. Ce qui amena des commandos de la marine militaire à prendre le commandement d'un pétrolier au large de la ville de Maracaibo. Dimanche dans un discours à la nation, le président Chavez avait déclaré que «le gouvernement avait commencé à renforcer la présence militaire pour sauvegarder le coeur économique et social du pays» se disant convaincu de la «victoire, car ils ne pourront pas (l'opposition) arrêter l'industrie pétrolière». L'enjeu de la crise semble bien le contrôle sur ce secteur vital de l'économie vénézuélienne. Hugo Chavez affirmant que «le plan fasciste et putschiste de l'oligarchie n'obtient pas l'appui des secteurs militaires» ce qui amène les meneurs de la grève à attaquer «le coeur de l'économie vénézuélienne». Appelant «tous les Vénézuéliens à protéger l'industrie pétrolière», le président Chavez indique que les opposants «veulent arrêter l'industrie pétrolière pour générer le chaos et justifier une action militaire (...) et renverser le gouvernement (...) Ils veulent installer un gouvernement qui privatise Pdvsa». La crise ouverte en avril dernier par la tentative avortée de coup d'Etat, qui destitua pour 48 heures le président Chavez, avait déjà comme moteur le sort du géant pétrolier vénézuélien Pdvsa sur le devenir duquel se disputaient les tenants du maintien du statut actuel de la société et ceux qui veulent la privatiser, lesquels se recrutent dans l'entourage de la société pétrolière, elle-même, et de l'oligarchie nationale. Nationalisée en 1976, Pdvsa représente en termes bruts 25% du PNB du pays, elle produit 2,5 millions de barils, jour (MBJ), ce qui la situe au cinquième rang des producteurs de l'Opep, génère 80% des entrées de devises, 55% des ressources fiscales et dont la valeur est estimée à 130 milliards de dollars, outre le fait que Pdvsa est l'un des principaux fournisseurs de naphte des USA. C'est dire le poids de cette entreprise, véritable mastodonte, dans l'économie du Venezuela. Et c'est au coeur de cette industrie pétrolière que l'opposition à Chavez a décidé de frapper. Les positions adoptées par les deux parties semblent pour le moment inconciliables comme l'indique le modérateur dans la crise vénézuélienne, le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), César Gaviria, selon lequel le gouvernement de Caracas et son opposition «ne sont pas près d'une solution». Cette situation préoccupe au premier chef l'Opep dont la réunion ordinaire de jeudi prochain risque de déborder dans une large mesure sur les crises irakienne et vénézuélienne, deux des principaux producteurs au sein du cartel pétrolier, qui ne manqueront pas d'avoir des répercussions sur la mécanisme de production de l'organisation.