Les découvertes scientifiques sont souvent une affaire de circonstances et de hasard. Ce qui était vrai du temps de Pasteur l'est également de nos jours et s'est vérifié lors de l'isolement du virus du sida (syndrome d'immunodéficience acquise). Ceux qui luttent contre les deux grandes maladies des temps modernes sont à l'honneur. Le comité suédois de l'Académie de Stockholm attribuant le prix Nobel de médecine 2008 a récompensé l'Allemand Harald zur Hausen qui a identifié le virus provoquant le cancer du col de l'utérus (papilomavirus), et les Français Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier, à l'origine de la découverte du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) responsable du sida. Cette découverte a été essentielle à la compréhension actuelle de la biologie de cette maladie et à son traitement de multithérapie antitrétrovirale (dite trithérapie). Le comité Nobel ne mentionne pas le nom du professeur américain Robert Gallo souvent considéré comme le codécouvreur avec Luc Montagnier du virus affirmant ainsi la paternité de la découverte aux chercheurs français après une longue polémique. En effet, c'est le 20 mai 1983, dans un article scientifique publié dans la revue américaine Science, que l'équipe de l'Institut Pasteur de Paris décrit un nouveau virus suspect d'être responsable du sida. En avril 1984, Margaret Heckler, secrétaire d'Etat à la Santé américaine, annonçait en fanfare la “découverte” du virus du sida par l'équipe de Robert Gallo, sans que l'importance des travaux des Français n'éclate aux yeux du grand public. En 1984, la découverte américaine est publiée dans quatre articles dans la revue Science dont l'un est accompagné de photos du virus français. La rivalité Gallo-Montagnier ravivée par la guerre des brevets, débouche sur un accord en 1987 signé par Jacques Chirac alors Premier ministre avec le président américain de l'époque Ronald Reagan. La revue scientifique Nature publie alors une chronologie de la recherche sur le sida rédigée par les deux ex-rivaux. Rendons à César ce qui lui appartient, les deux scientifiques français ont été couronnés pour avoir été les authentiques découvreurs du VIH responsable du sida et qui a déjà tué 25 millions de personnes à travers le monde. Luc Montagnier, actuellement à Abidjan (Côte d'Ivoire), en marge d'un colloque international, a dédié cette distinction aux malades du sida. Âgé de 76 ans, le professeur Montagnier a aussi annoncé la mise au point d'un vaccin thérapeutique d'ici à quatre ans s'il dispose de moyens financiers. Ainsi, ce prix Nobel va “re-booster” les chercheurs, les décideurs, politiques ou médecins. Ironie du sort, pour la petite histoire, à 65 ans, Luc Montagnier a été prié par l'administration de l'Institut Pasteur de Paris dont il dépendait de faire valoir ses droits à la retraite. Le chercheur “prend alors sa valise” et s'expatrie à New York où l'administration américaine l'accueille à bras ouverts pour poursuivre sa recherche en lui construisant un centre de recherches à cet effet. Comme quoi l'adage “nul n'est prophète dans son pays” reste d'actualité. Luc Montagnier a été directeur de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS) spécialiste des rétrovirus à l'Institut Pasteur de Paris. Il est membre de l'Académie de Médecine. En 1987, après avoir été son élève (Kamel Sanhadji), il m'a aidé à apprendre et à transférer certaines techniques de biologie moléculaire à Lyon où il a inauguré le laboratoire de recherche sur la thérapie génique du sida que je dirige. L'œuvre d'une vie consacrée. Respectueuses salutations, Maître. K. S.