Après 29 ans passés à construire les fameux trains très rapides, François Lacôte rejoint Alstom Transport avec laquelle il entame une autre aventure, celle de l'AGV. Histoire d'un train pas comme les autres… Lorsque vous évoquez avec lui le Train à grande vitesse (TGV), l'homme répond avec une passion où se mêle une certaine fierté. Mais il fait preuve d'une humilité extraordinaire. Pourtant, François Lacôte n'est pas n'importe qui. C'est lui qui a révolutionné le train en inventant le TGV, devenu aujourd'hui l'un des moyens de transport les plus prisés en Europe. Du haut de ses 61 ans, M. Lacôte parle du TGV comme un père parle de ses enfants. Son monde, c'est le TGV. “C'est une aventure extraordinaire et je n'ai pas envie de prendre ma retraite”, réplique-t-il à la question de savoir si son histoire avec la fameuse machine était près de connaître son épilogue. C'est en 1974 que cet ingénieur des ponts et chaussées rejoint la SNCF, la compagnie française de transport ferroviaire, mais c'est à la fin de 1982 que la société décide de lui confier le programme de développement des trains à grande vitesse après huit années passées dans le service de la maintenance ferroviaire. À ce titre, il dirige les études et la réalisation des générations successives de TGV et a conduit la campagne d'essais qui a permis d'établir un record du monde sur rails à 515,3 km/h, le 18 mai 1990. Qu'est-ce qui distingue les différentes générations de TGV ? “La première génération avait pour objectif de construire un système sûr et fiable. C'est-à-dire assurer une sécurité absolue. C'était là le message du P-DG de l'époque”, se souvient notre interlocuteur. Pour la deuxième génération des TGV français (1989), l'accent a été mis cette fois-ci sur le confort du voyageur vu la concurrence des autres constructeurs (Talis, Eurostar, TGV Corail…) qui se sont livrés à une guerre sans merci pour la mise au point de la machine la plus rapide, mais aussi et surtout celle qui offre le plus de conditions de confort. “Concernant la troisième génération, j'ai proposé de passer à une autre étape, celle d'une machine plus économique”, affirme M. Lacôte qui indique que c'est cette période (1986) qui a vu la naissance du TGV à deux niveaux et dont la consommation d'énergie ne dépasse pas le litre au 100 km par voyageurs. Notre interlocuteur relève que ce train à deux étages a connu un vrai succès commercial. Pour sa quatrième génération, la SNCF a voulu voir un peu plus grand en lançant un train européen à une vitesse de 360 km/h dont les caractéristiques répondant aux normes de protection d'environnement et de consommation d'énergie, mais aussi une meilleure maîtrise de la maintenance. M. Lacôte est nommé directeur du développement international puis directeur de la recherche et de la technologie de 1997 à 2000. En novembre 2000, après 29 ans de bons et loyaux services à la SNCF, il rejoint le comité de direction d'Alstom Transport où il est directement désigné Senior Vice-Président, en charge de la direction technique. “En 2000, on change de siècle et on change de compagnie”, lâche-t-il en plaisantant. Il met ainsi une croix sur sa carrière passée chez la SNCF où il a supervisé la construction de pas moins de 450 TGV en près de 20 ans. Mais il ne coupe pas complètement les ponts avec son ancien employeur puisqu'en avril 2007, il avait codirigé avec la SNCF et RFF le programme d'essais V150 qui a conduit au nouveau record du monde sur rail établi à 574,8 km/h. Mais pour sa nouvelle aventure avec Alstom, c'est une nouvelle conquête qui commence pour lui, celle de l'AGV, l'Automotrice à grande vitesse. Du TGV à l'AGV. “Le projet a été lancé sur fonds propres d'Alstom. C'est un gros effort financier”, précise-t-il. Mais il faut souligner qu'aucun prototype de l'AGV n'est actuellement en circulation. La première livraison se fera début 2010, selon les prévisions de la compagnie qui a déjà signé un premier contrat de vente avec la nouvelle compagnie italienne de transport Nuovo Trasporto Viaggiatori (NTV) avec une clause de maintenance associée. Le marché porte sur 25 trains dont en option dix. L'une des caractéristiques de l'AVG réside dans son record de vitesse (575 km/h), mais aussi sa basse consommation d'énergie réduite de 15% par rapport à ses principaux concurrents, selon les responsables d'Alstom. Cependant, sa vitesse commerciale est de 360 km/h. Lorsqu'on lui demande qui du TGV ou de l'AGV préfère-t-il, il rétorque non sans une pointe d'humour : “On reproche toujours aux parents d'avoir un peu de favoritisme pour l'un de leurs enfants. Moi, je ne peux m'empêcher d'avoir un peu de favoritisme pour le petit dernier.” Et pour cause, il trouve tout aussi extraordinaire l'aventure de l'AGV. “C'est passionnant. Le train est extraordinaire.” M. Lacôte ne peut cacher sa fascination pour le train de même qu'il exprime son aversion pour l'avion. “Un avion, c'est un crime contre l'environnement en raison de son fort taux d'émission de Co2 dans l'atmosphère.” Et l'après-AGV ? “Je n'ai pas envie de prendre ma retraite. Je sens que je peux encore apporter quelque chose. On réfléchira à ce qui se cache derrière la montée de la concurrence dans certains pays et on verra.” H. S.