À quelques encablures du nouveau site de chalets de Bouhraoua, le palais des expositions est transformé en centre de transit pour les sinistrés. Depuis trois mois, 75 familles s'y sont entassées dans des conditions inhumaines. “Les pensionnaires de Serkadji sont mieux lotis que nous”, lance un sinistré habitant sous une tente depuis trois mois. Les sinistrés parqués à Bouhraoua sont issus du quartier populaire de Baba Saâd, au centre-ville de Ghardaïa. Pour une grande majorité, les sinistrés étaient des locataires dans ce quartier durement touché par les inondations du “mercredi noir”et sont casés dans le grand hangar avec des séparations en bois, sans toit, sans les moindres conditions d'hygiène. Les autres sont casés à l'extérieur, sous des tentes. Ici, l'insécurité vient s'ajouter aux autres soucis de survie, malgré la présence de gardes communaux à l'intérieur du site. Les sinistrés sont formels “les premiers jours, les autorités locales s'occupaient bien de nous et nous rendaient des visites cycliques. Mais après, plus rien.” Ici, aussi, aucun enfant sinistré n'a bénéficié d'une excursion, aucun geste envers les familles des sinistrés durant les fêtes de l'Aïd el-Adha. “Nous sommes abandonnés, oubliés”, nous lance une femme au bord du désespoir. Elle nous guide à travers les box du palais des expositions et nous raconte les souffrances des familles y vivant, avec le froid glacial, l'absence d'hygiène et la pauvreté des kits d'alimentation. Les sinistrés, installés à quelques encablures d'un site de chalets, ne savent pas à quel saint se vouer. “Depuis le 20 décembre, on nous promet le relogement, mais aucun détail. Ce qu'on sait, c'est qu'on nous a demandé de désigner cinq familles de sinistrés pour être présentées au président de la République lors de sa visite”. La visite du président Bouteflika devrait donner le coup d'envoi à l'opération de relogement des sinistrés. Mais, pour l'instant, il est surtout question de relogement symbolique des quelques familles sinistrées seulement. Le reste, tout le reste, devra attendre. Combien de temps ? Personne ne le sait. Au centre de transit de Bouhraoua, la crainte est palpable. “On a peur de revivre le scénario des catastrophes naturelles précédentes où les sinistrés ont dû attendre des années entières pour être relogées”. Les familles rappellent les engagements de Ahmed Ouyahia, qui avait promis de reloger, de façon définitive, les sinistrés dans des logements en dur, d'ici deux ans et demi. Ils estiment que la disponibilité des terrains dans le Sud devrait faciliter la concrétisation de tels engagements, mais ne cachent pas leurs craintes de voir l'opération traîner. La crainte est d'autant plus grande chez les familles qui louaient à Baba Saâd, et qui n'ont pas droit aux indemnisations liées à la réhabilitation des demeures. Ces familles de locataires estiment que leur salut réside dans l'octroi de logements sociaux qui mettraient fin à leur lente agonie. A. B.