La tendance actuelle est à une baisse des prix du gaz, un effet d'une dépression de la demande, conséquence de la crise financière mondiale. L'industrie du gaz dans le monde est menacée, telle est l'une des conclusions du premier Forum de consultation et d'échanges d'informations relatif au marché du gaz, organisé hier par l'Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (Alnaft) en application d'une disposition de l'article 59 de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. En termes simples, si l'on n'écarte pas ces menaces ressenties de façon plus accrue en cette période de crise financière mondiale, les parts du gaz dans le bilan énergétique mondial seront beaucoup moindres. L'Algérie risque d'en pâtir, étant un acteur majeur dans le commerce international du gaz. Ses revenus gaziers seraient en baisse, du moins leur croissance freinée. Un panel d'experts de renommée internationale au cours d'une table ronde, organisée lors de la séance de la matinée, centrée sur les problématiques des marchés gaziers : de la globalisation du marché du GNL, des prix du gaz naturel et leur évolution à court et moyen terme, de la dérive des coûts opératoires des services de la chaîne gazière, du rôle que jouera à l'avenir le Forum des pays exportateurs de gaz (GECF), des questions environnementales liées aux qualités d'énergie propre du gaz naturel, a abordé ces menaces. Paolo Scaroni, le P-DG de la fameuse compagnie italienne Eni, a planté d'emblée le décor. Le marché du GNL, facteur accélérateur de la globalisation du marché du gaz, a connu un changement majeur en 2008. Il avait connu des rythmes de croissance élevés des investissements auparavant. En l'occurrence, les Etats-Unis qui étaient de gros consommateurs de GNL ont développé des technologies “tight gas” (destinés à l'accès à des accumulations de gaz difficiles à extraire), et donc ne seront plus importateurs de gaz. Les Etats-Unis seront exportateurs de GNL dans les prochaines années. La demande sera tirée dans le futur par l'Asie, l'Amérique latine. Consensus des experts : le forum des exportateurs n'est pas une OPEP du gaz Aujourd'hui en contexte de crise, la décision d'investir dans le GNL est difficile à prendre. En 2008, le commerce international du gaz représentait 800 milliards de mètres cubes dont la part de GNL est de 30%. Pour Scaroni, la sécurité d'approvisionnement est fondamentale dans la réflexion sur l'évolution du marché international du gaz. En particulier le différend entre la Russie et l'Ukraine qui a conduit à une rupture d'approvisionnement en décembre et janvier derniers a laissé des traces en Europe. Le consommateur en Europe, qui se voit vivre des journées sans lumière ou sans chauffage, risque d'avoir des réticences à opter pour le gaz, au profit d'énergies concurrentes comme le fuel ou le charbon, a-t-il averti. Quant à l'évolution des prix du gaz, ils continueront à être indexés sur les prix du pétrole, les contrats long terme constituant l'essentiel de ce marché, telle est la conclusion du panel. Aujourd'hui, la récession économique a influé sur les prix du gaz qui sont en baisse. Ils augmenteront avec la reprise économique. Quant à la baisse des coûts des équipements et services, on enregistre une chute de 4%. On prévoit une baisse de 15% entre 2009-2010, a indiqué Paolo Scaroni. Chawki Rahal, le vice-président de Sonatrach a affirmé, lui, que son entreprise n'a pas encore enregistré de baisse des prix significative. Il a soutenu à bon escient que le débat a occulté la sécurité de la demande, sans laquelle les pays producteurs ne seront pas incités à engager des investissement dans la chaîne gazière En matière de partenariat, le conseiller au ministère de l'Energie, Ali Hached, a évoqué la nécessité d'aller vers une optimisation de ces relations, vers des formes de partenariat mutuellement profitables aux deux parties, facilitant à Sonatrach la pénétration des marchés extérieurs. Concernant le Forum des exportateurs de gaz, ce n'est pas un cartel, une Opep du gaz, ont conclu les experts. Pour Paolo Scaroni, c'est une tribune favorisant le dialogue entre pays producteurs et non pas un oligopôle, tel que perçu en Occident. L'Algérie, la Russie et la Norvège constituent 80% des approvisionnements de l'Europe. S'ils voulaient créer un oligopôle, ils auraient pu conclure des accords entre eux, a-t-il ajouté. C'est un espace pour mieux comprendre l'évolution de ce marché. Pour Ali Hached, c'est un instrument de coordination, de gérer de manière plus coordonnée le développement des capacités de production dans les principaux pays gaziers, mais également d'anticipation de manière à faire face à une rupture d'équilibre entre l'offre et la demande. Encore faut-il une meilleure communication du forum pour dissiper les craintes des pays occidentaux en matière d'approvisionnement. Concernant l'aspect environnemental, il est évident que le gaz est moins polluant, dégage moins de CO2. Mais certains lobbies et les politiques fiscales adoptées dans les pays développés entravent son expansion. Il est moins sûr aujourd'hui que le gaz sera “le lion” dans le bilan énergétique mondial au cours des prochaines décennies. Ali Hached préconise pour les pays producteurs de se battre pour promouvoir ce produit. Il est le moins sale des énergies fossiles, a-t-il argué. Enfin, le ministre de l'Energie Chakib Khelil, l'animateur de la table ronde, a résumé ainsi la conclusion des experts : le gaz sera le fuel de choix dans la transition vers les énergies renouvelables, qui vont remplacer les hydrocarbures dans une ou deux générations. K. Remouche