Le G20 a sur-représenté l'Europe et l'Amérique et sous-représenté l'Afrique ; un seul représentant du continent noir : l'Afrique du Sud. Le monde arabe est représenté par l'Arabie Saoudite qui, outre son alignement sur les Etats-Unis, n'est pas représentative des économies arabes. C'est dire l'urgence de constituer une zone de libre-échange et de partenariat dotée d'une monnaie commune à l'échelle de l'Afrique du Nord incluant l'Egypte. Nonobstant ces remarques, les décisions prises lors de ce sommet s'imposent à tous. Le G20 représente 80 à 90% du PIB mondiale. Un peu d'histoire Le groupe des huit est un groupe de discussion réunissant les huit pays les plus puissants du monde : les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l'Italie, le Canada est la Russie, soit 61% de l'économie mondiale. D'abord G6 à sa création en 1975, puis G7 (intégration du Canada en 1976), le groupe s'est élargi à la Russie en 1998. La crise financière internationale en 2008 a fait prendre conscience au G8 que sans l'association de pays émergents comme la Chine, l'Inde, le Brésil, les décisions seraient de peu d'efficacité. Les acquis et les attentes de ce G20 Le total des fonds débloqués est de 1 000 milliards de dollars pour l'économie mondiale. Mais cela ne se fera pas sous forme d'un plan de relance de l'économie mondiale réelle mais selon des canaux de transmission traversant la sphère financière. La grande partie de cette somme servira à renflouer les banques déficitaires et à financer le FMI à hauteur de 750 milliards de dollars. L'institution née des accords de Breton Woods est la plus grande gagnante de ce sommet. Mais à y regarder de plus près, on compte 250 milliards de dollars qui seront fournis selon la procédure dite “nouveaux accords d'emprunts”. 250 milliards de dollars de DTS émis seront “une créance virtuelle” pour les pays bénéficiaires qui contribuent à améliorer les liquidités internationales. Le FMI s'est lourdement trompé Par ailleurs, il est prévu que le FMI fasse appel au marché financier, ce qui est une innovation. Enfin, les prochains dirigeants de ces institutions seront choisis selon leurs compétences et non plus systématiquement ! un Européen pour le Fmi et un Américain pour les Etats-Unis. Pourquoi pas un Africain qui comprend mieux que quiconque les problématiques du dévelop-pement ? Il est ahurissant de constater que d'après l'aveu de l'actuel président du FMI, D. Strauss-Kahn, cette institution s'est lourdement trompée dans le passé, induisant en erreur les gouvernements des Etats africains, asiatiques et européens par des recommandations élaborées par les ayatollahs du libéralisme au département études. En décembre 2000, nous avons publié une étude-bilan des politiques d'ajustement structurel. Nos conclusions furent sans détour : tous les pays qui ont mis en place des PAS ont sombré dans la décroissance, le sous-développement et, pour certains, dans la pauvreté. Il n'est jamais trop tard pour bien faire ; on peut se féliciter que le pompier de la finance internationale devienne intelligent. L'un des points d'achoppement de ce sommet a porté sur les paradis fiscaux. Chinois et Américains ne voulaient pas en entendre parler. Et pour cause. La Chine compte 2 paradis fiscaux : Hong Kong et Macao ; les Etats-Unis en comptent plusieurs : l'Etat de Delaware, le Wyoming et le Nevada. En effet, plus de 40% des entreprises cotées à la Bourse de New York sont domiciliées dans l'Etat de ce petit Etat du Delaware (870 000 habitants) La crise financière internationale actuelle repose sur des piliers dont il faut s'attaquer concomitamment : - instaurer une réglementation plus stricte des titres et des actifs financiers ; - rendre transparentes les activités des Hedges Funds et autres fonds spéculatifs et contrôler leur degré de risque ; - nationaliser les agences de notation qui sont juges et partie ; - prendre des mesures draconiennes contre les paradis fiscaux, de vrais hangars de stockage des produits toxiques et source de dissimulations des comptes des banques, fonds de fonds et autres multinationales ; - réglementer et plafonner les systèmes de rémunération des dirigeants de grandes sociétés et banques transnationales (ne pas dépasser 40 fois le salaire moyen). Les dirigeants qui s'octroient des bonus et des stocks options n'ont pas compris que la période l'indécence et la cupidité ne sont plus acceptables ; - réformer le mode de rémunération des traders qui gagnent à tous les coups et massacrent sciemment des valeurs afin d'en tirer profits ; - la création d'un conseil de stabilité financière qui succède au forum de stabilité financière doit bénéficier d'un vrai pouvoir de contrôle, de coercition et de sanction. Il doit pouvoir alerter sur les risques de crises systémiques Autre déception de ce sommet seulement 6 milliards de dollars alloués aux pays les plus pauvres, une misère au regard de l'ampleur des difficultés de ces pays. Il est urgent d'élaborer un vrai plan Marshall pour l'Afrique, c'est de l'intérêt des pays développés. En contrepartie, les dirigeants doivent y mettre de la bonne volonté en améliorant la bonne gouvernance et en luttant contre la corruption qui est une vraie gangrène et en gérant le bien public dans l'intérêt de la collectivité. C'est le plus bel héritage à transmettre à leurs enfants. Au total, ce qui est nouveau dans ce sommet, c'est l'acceptation par les Américains de jouer collectif en étant convaincus que face à une crise mondiale (dont ils sont les principaux instigateurs et promoteurs), le multilatéralisme est le seul moyen de s'en sortir collectivement. C'est une rupture par rapport à l'ère Bush. C'est aussi le signe de l'affaiblissement relatif de la puissance économique américaine et l'émergence de nouveaux partenaires de poids comme la Chine, l'Inde, l'Union européenne dont l'euro est la deuxième monnaie de réserve. C'est pourquoi, il nous semble judicieux et primordiale d'envisager la création d'une monnaie internationale qui remplacerait le dollar américain. Ce privilège de créer de la monnaie nationale et de l'imposer au reste du monde comme monnaie de facturation et de réserve est très dangereux. Les Chinois et les Russes ainsi que les Japonais commencent à s'inquiéter des risques de perte de valeur de la devise américaine. D'où nos mises en garde de ne pas placer les réserves de change algériennes dans une large proportion en bons du trésor américains. Nous réitérons plus que jamais la créations de deux fonds souverains, l'un en devises, qui fait la chasse aux bonnes affaires sur des valeurs sans risques, si ce n'est la certitude qu'elles sont sous-cotées, l'autre, en dinars, afin de financer les PME, la formation, la création de centaines de milliers d'entreprises privées avec un soutien public. (*) C. S. professeur d'économie à la Sorbonne