Le résultat de l'enquête nationale sur l'allaitement maternel étonne tant le pays est connu pour sa faiblesse du pouvoir d'achat et son taux plutôt modeste de femmes actives. Deux facteurs qui plaident théoriquement contre la consommation large de lait infantile industriel. Si neuf femmes sur dix nourrissent leurs enfants au sein à la naissance, la proportion se réduit à cinq mères sur dix à trois mois de la vie du nourrisson et à une sur dix à six mois. La tendance est à l'allaitement mixte ou carrément au lait infantile industriel. Ce sont les conclusions d'une enquête nationale menée en 2006. Il est fort probable que le recul de l'allaitement maternel soit encore plus manifeste depuis lors. “Ce n'est jamais une cause unique. Plusieurs facteurs agissent sur l'abandon de l'allaitement au sein par les mères”, souligne Dr Chaoui, président de l'Association des pédiatres libéraux d'Alger. “L'allaitement artificiel est introduit dans nos habitudes alimentaires. Il est lié à la société de consommation au même titre que les fast-foods. Cela n'est pas le discours des pédiatres qui empêche le phénomène de prendre de l'ampleur, car la logique de consommation est extrêmement forte”, poursuit-il. Comble du paradoxe, il semblerait que les femmes au foyer et les ménages aux revenus faibles soient les plus enclins à nourrir les bébés au lait vendu en boîte. Ce qui limite quelque peu l'influence des paramètres inhérents aux contraintes posés aux femmes qui réintègrent leur poste de travail après l'expiration des 98 jours de congé de maternité et la faiblesse connue et reconnue du pouvoir d'achat des Algériens. “Les pédiatres sensibilisent les femmes à donner le sein à leurs bébés, au quotidien. Ce n'est pas leur faute si leur travail n'est pas porteur”, relance Dr Chaoui. Il faudra alors penser à un programme national plus offensif pour remettre le pays sur la voie des recommandations de l'OMS en matière d'allaitement maternel. L'Organisation mondiale de la Santé conseille d'allaiter “le nourrisson au sein exclusif, c'est-à-dire sans aucun autre apport alimentaire que le lait maternel, jusqu'à l'âge de six mois, pour que l'enfant ait une croissance, un développement et une santé optimaux”. Il est avéré que le lait maternel est plus protecteur contre les infections, les allergies et l'obésité des bébés, qui ne développent leur système immunitaire qu'au deuxième semestre de leur première année. Selon Dr Chaoui, il est possible de trouver aussi des liens entre l'émergence de certaines maladies d'adultes (hypertension artérielle, accidents cardiovasculaires… ) et le recul de l'allaitement maternel. “Nous avons des éléments de présomption sur cela”, soutient-il. Moralité, il est impératif de relever le nombre des bébés nourris au sein aux proportions atteintes actuellement en Europe, qui vit une prise de conscience déroutante en la matière (57% des Françaises allaitent leurs enfants exclusivement au sein jusqu'à l'âge de 6 mois et 100% des Scandinaves). À ce titre, il est proposé, outre une campagne de sensibilisation agressive, de proroger le congé de maternité. Par ailleurs, depuis la fin du mois de juin dernier, la firme Philips Avent, en partenariat avec Lncp, distributeur agréé, commercialise ses produits de puériculture en Algérie dans les pharmacies, parapharmacies et magasins spécialisés. La gamme proposée présente une conception qui favorise l'allaitement maternel. Selon Mme Amel Abtroun, représentante du label en Algérie, il s'agit d'une série d'accessoires qui facilite la tâche aux mères qui font face à des difficultés — de différentes natures — à allaiter. Notre interlocutrice les cite en insistant sur les atouts de chaque article, à savoir biberons amoindrissant les coliques, tétines conçues sur le modèle de la tétée naturelle afin de rendre plus aisé le passage du biberon au sein, tire-lait manuel ou électronique, pots de conservation du lait maternel… “Nous couplons la campagne de présentation de nos produits à une opération de sensibilisation sur l'allaitement maternel. Nous travaillons d'ailleurs en collaboration avec des pédiatres”, atteste Mme Abtroun. Souhila Hammadi