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“Les mots de Mahmoud Darwich résonneront en nous éternellement”
SAMIR JOUBRAN, LEADER DU “TRIO JOUBRAN” À LIBERTE
Publié dans Liberté le 29 - 10 - 2009

Ce soir, le trio Joubran présentera le projet qui les lie à Darwich, “À l'ombre des mots”, au public algérien, le temps d'un concert qui clôturera l'événement : “Mahmoud Darwich, une vie de poésie”. Dans cet entretien, l'aîné des frères, Samir Joubran, revient sur la relation avec le poète, ainsi que sur le concert de ce soir à Alger.
Liberté : Après avoir sillonné le monde entier, vous allez vous produire demain soir à Alger à la salle Ibn Zeydoun. Vous êtes sans doute excité et enthousiaste pour cette première fois en Algérie ?
Samir Joubran : Il y a toujours de l'excitation et de l'enthousiasme, c'est évident. Nous voyageons un peu partout dans le monde et nous avons cette fois la chance de venir pour la première fois dans un pays si cher à notre cœur : l'Algérie. Le poète Mahmoud Darwich est parti, mais ce qu'il nous a laissé, de responsabilité, de malheurs, de succès, c'est pour qu'on puisse après lui porter son message à l'Algérie. Nous sommes encore plus honorés que l'Algérie rende hommage à Darwich. Je dirai aussi que notre musique est surtout portée par la voix du poète.
Vous avez pendant longtemps accompagné en musique Mahmoud Darwich dans ses récitals poétiques à travers le monde. Pouvez-vous nous parler de votre expérience avec ce poète et du projet “À l'ombre des mots” ?
Pour le projet “À l'ombre des mots”, on devait produire un CD du vivant de Mahmoud Darwich. Mais lui était toujours réticent à l'idée de parler tout seul dans un studio. Il n'aimait pas du tout cette idée d'enregistrer sa voix dans un studio, alors j'enregistrais tous les récitals qu'il dispensait. Lors de notre dernier spectacle ensemble, c'était à Arles, en France, nous avons reparlé avec lui du projet de produire un album et il a été très emballé par cette idée. Il m'avait dit ce jour-là : “Tu es le premier et l'unique artiste qui m'a proposé cette idée. Je marche !” Mais la mort l'a emporté. En 40 jours, nous avons produit un disque. Pour le 40e jour de sa disparition, nous avons fait un concert et présenté le projet “À l'ombre des mots”. Depuis ce jour, nous avons été contactés et sollicités par plusieurs pays et entreprises, et nous avons tourné partout dans le monde : Maghreb, Moyen-Orient, Europe. Avec notre musique et nos oud, nous parcourons le monde. D'ailleurs, nous avons sorti un CD et un DVD.
Comment travaillez-vous sur sa poésie ?
Cette question a été posée à Mahmoud Darwich, et il avait répondu : “Il y a une alchimie, c'est tout. Les mots ne pourraient la décrire.” En fait, il détestait qu'on explique la création, parce qu'il croyait que dès qu'on explique une création, elle perdait de sa beauté et de son esthétique. La plupart du temps, nous improvisions d'après l'interprétation de Mahmoud Darwich, qui avait une manière très particulière de dire ses poèmes. D'ailleurs, Mahmoud Darwich disait que le poème naît une deuxième fois au moment où on la déclame sur scène.
Votre nom s'est attaché à celui de Darwich. Comment ça se passe aujourd'hui pour vous sans lui, d'autant que vous poursuivez votre projet “À l'ombre des mots” ?
C'est une question très difficile. Mais je dirai que notre trio n'est pas si attaché que vous le décrivez à Mahmoud Darwich, puisque nous avons construit une carrière tous les trois, et nous avons d'ailleurs trois albums. Nous avons également fait plusieurs bandes originales de films, notamment Adieu Gary de Nassim Amaouche. Un film qui a reçu le Prix de la critique internationale à Cannes 2009. Nous avons également fait un album spécial pour le film français événement, le Dernier vol, du Franco-Tunisien Karim Dridi. Le film sortira le 16 décembre prochain.Il est, entre autres, campé par Guillaume Canet et Marion Cotillard. Cependant, le trio Joubran puise son inspiration musicale de Darwich, et il est très difficile de trouver un autre poète. Les mots de Mahmoud Darwich résonneront en nous éternellement, car sa poésie se transforme sur les cordes de nos oud en joies et peines. Il est vrai qu'il est parti physiquement, mais il vivra en nous pour toujours.
Vous avez trois albums sur le marché, et votre musique puise son inspiration de la musique traditionnelle palestinienne et d'autres styles. Vous êtes à la fois traditionnels et modernes…
Notre musique est métaphorique, inspirée de toutes les musiques qu'on écoute dans la vie de tous les jours. Elle est entre la tradition et le patrimoine, mais nous restons toujours ouverts, comme n'importe quel autre artiste d'ailleurs. Nous sommes influencés. Parmi nos influences, il y a la musique marocaine, le flamenco, etc. Toutes ces musiques nous pénètrent. Nous sommes en fait comme des guerriers, et nos armes ce sont nos instruments. Nos armes ne tuent pas ; elles sèment la vie. Je ne voudrais pas théoriser et expliquer davantage parce que cela ferait perdre à la musique sa beauté. La musique est quelque chose qu'on ressent. Nous jouons avec passion pour prouver au monde entier qu'en Palestine, il y a un peuple qui mérite de vivre.
Le trio Joubran c'est également une histoire de famille. Vous êtes trois frères et tous trois, vous jouez du oud. Vous appartenez aussi à une famille de oudiste sur quatre générations…
Nous sommes trois musiciens qui partageons la même passion pour la musique. Et on a, en plus, l'avantage d'avoir le même père et la même mère. Et nous sommes une famille d'oudiste sur plusieurs générations. Je dirai simplement que ce sont trois frères qui discutent.
S. K.
* Concert ce soir à 19h du trio Joubran, à la salle Ibn Zeydoun.


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