Le verbe haut et virulent de Mahmoud Darwich s'est divinement bien mêlé au son du oud mélancolique du trio Joubran, qui a animé, avant-hier soir, un concert inédit à Alger et proposé au public, très nombreux, un spectacle intitulé “À l'ombre des mots”. Que dire et qu'écrire sur ce concert ? Grande interrogation ! Comme la beauté ne s'explique généralement pas, le spectacle du trio Joubran ne peut être décrit et encore moins expliqué. Même si on l'explique d'ailleurs, on serait injuste envers les artistes qui ont éclaté les frontières du rêve et du réel, de la réalité et de la fiction. Samir, Wissam et Adnan ont été brillants, notamment dans leur jeu et dans leur manière de ressentir la poésie de Mahmoud Darwich. On aurait dit des possédés… par la poésie. Après une intro musicale de quelques minutes, l'admiration de la salle a cédé sa place à la voix de Mahmoud Darwich. Retentissante et résonnante, cette voix a pénétré le corps des musiciens et les a transformés, transportés et habités. Ils ont suivi et accompagné le poète dans ses déclamations, avec des morceaux, parfois lents et méditatifs, et parfois rythmés et enfiévrés, grâce au talent du percussionniste, Bachar Khalifé (le fils de Marcel Khalifé). Après cela, Samir Joubran a dit quelques mots à la salle où était présent d'ailleurs l'ambassadeur de Palestine en Algérie, Mohamed el Hourani, et a revisité une chanson de Marcel Khalifé, Ahinou. L'interprétation de Samir Joubran a été portée par le public qui a repris en chœur le refrain. Nous avons également eu droit, et en exclusivité, au poème Laeb El Nard. En somme, tout ce qu'on pourra dire sur le trio Joubran ne sera, sans doute pas, à la hauteur de leur talent et de leur projet artistique, mais l'essentiel dans tout cela, est qu'à l'issue du concert, on sort avec des papillons pleins la tête, l'estomac noué par l'émotion et les yeux pleins de petites étincelles. Parmi ces étincelles, il y en a sans doute une pour Mahmoud Darwich, qui n'est plus, mais dont la poésie continue toujours de résonner dans le monde entier, grâce à des artistes comme le trio Joubran, mais grâce aussi à des anonymes qui lisent, aiment et enseignent le poète. Le trio Joubran était donc l'hôte d'Alger, le temps d'un concert inédit, qui clôt la manifestation “Mahmoud Darwich, une vie de poésie” : un événement artistique pluridisciplinaire qui rendait hommage au poète Darwich, à travers un certain nombre d'activités. Rappelons que cet événement a été organisé par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc) et les éditions Barzakh.