Depuis quelques jours, plus moyen de trouver dans les points de vente habituels la moindre bouteille d'Ifri, la célèbre eau minérale qui s'est taillé une place de leader incontesté sur le marché national. La rumeur sur la fermeture de l'usine s'est répandue telle une traînée de poudre et les spéculations sont allées bon train sur les causes réelles ou supposées de ce brusque arrêt, d'autant plus qu'il survient à une période de très forte demande où l'usine tourne habituellement à plein régime. Renseignement pris, il s'agirait d'une commission dépêchée lundi après-midi par la Direction des contrôles des prix (DCP), qui aurait pris la décision d'arrêter la production après que des contrôles effectués sur des échantillons prélevés à partir de quelques fardeaux se sont révélés de qualité bactériologique douteuse. Sur place, en l'absence des camions de gros tonnage qui dispatchent la marchandise aux quatre coins du pays, c'est le calme plat. Mais aucun membre de la direction n'était présent pour infirmer ou confirmer l'information faisant état de l'arrêt de l'usine. Toutefois, quelques travailleurs rencontrés au village d'Ighzer Amokrane, gros bourg de la vallée de la Soummam où se trouve le site de production, se sont montrés plus loquaces. Consternés par cette mise en chômage technique, ils n'ont guère caché leur inquiétude quant à leur avenir, même s'ils se sont dits prêts, le cas échéant, à des actions de protestation collective pour défendre leur gagne-pain contre ce qu'ils pensent être une cabale montée de toutes pièces contre une entreprise dont la réussite a fait naître bien des jalousies et des malveillances. Ils arguent que, dans le domaine de l'eau minérale, la concurrence est devenue rude et tous les coups, même les plus tordus, sont permis pour éliminer un rival trop gênant. Ils nous ont également appris que la direction (trois frères qui se partagent les tâches et les responsabilités) n'a pas souhaité réagir avant d'avoir les résultats officiels des tests bactériologiques qui doivent leur être communiqués en principe aujourd'hui. À l'évidence, les travailleurs semblent plus inquiets que leur direction : ils ont peur que d'ici à ce que leur usine rouvre ses portes, pas mal d'eau aura coulé sous les ponts. C. P.