Le gouvernement suisse a dit qu'il était prêt à lever, “dans les meilleurs délais”, l'interdiction d'entrée et de transit sur son territoire visant plusieurs dirigeants libyens, dont Kadhafi et ses proches, décidée en pleine crise diplomatique entre les deux pays. Un bon point pour le leader libyen dont le régime autocratique est parvenu à semer la discorde entre les pays membres de l'Union européenne. Les commentateurs suisses l'avouent aujourd'hui : personne n'aurait imaginé en été 2008 que l'arrestation du fils du Guide de la révolution libyenne aurait une portée européenne. Dans son communiqué annonçant sa reculade, le Conseil fédéral à rappelé la médiation de l'Union européenne, assurée par l'Allemagne. Les relations entre Berne et Tripoli sont très tendues depuis l'arrestation pendant deux jours, en 2008 à Genève, d'Hannibal Kadhafi, le fils de Kadhafi, et de son épouse, après des accusations de mauvais traitements sur leurs domestiques. La Libye avait riposté en rappelant ses diplomates en Suisse, en reprenant ses fonds dans les coffres helvétiques et en interrompant ses livraisons de pétrole à la Confédération suisse. Les tensions se sont encore aggravées lorsque la Suisse a établi une liste de 188 personnalités libyennes, dont Kadhafi, interdites d'espace Schengen. Tripoli a répliqué par la suspension des visas aux ressortissants des 24 pays européens adhérant à cet espace. Cette mesure a particulièrement irrité l'Italie, important partenaire commercial de la Libye. Puis le dossier est pris en main par la Haute représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères Catherine Ashton. Pour des observateurs, l'influence de la Libye sur certains membres de l'UE ne surprend qu'à moitié. Economie de rente, basée sur le pétrole et le gaz, son potentiel de développement fait rêver au nord de la Méditerranée. Comme son économie n'est pas calquée sur le système capitaliste international, la crise mondiale n'a fait que la frôler, les caisses sont pleines, avec des réserves de changes de plus de 100 milliards de dollars, donc les carnets de commandes sont encore vierges. Le pays a été fermé pendant plus de vingt-cinq ans et, aujourd'hui, il veut rattraper en matière d'infrastructures comme les routes, l'irrigation ou encore l'énergie, les logements, le tourisme. Et Kadhafi joue avec brio sur les investisseurs et hommes d'affaires qui se bousculent à la porte de Tripoli. Il menace de se passer de l'UE en prenant attache avec la Turquie et le Brésil, l'Inde ou encore la Thaïlande, présents en force à Tripoli. La Libye a un autre outil de chantage : le contrôle de la migration africaine en direction de l'Europe. L'UE ne souhaite pas voir Tripoli relâcher cette surveillance. Qui a dit que Kadhafi était un original ?