Cette année scolaire a peu ou prou déstabilisé les élèves privés de cours et les a angoissés. À un certain moment, des voix pessimistes ont parlé d'année blanche, ajoutant ainsi de l'eau au moulin de la peur. Cela n'est pas sans conséquences sur la sérénité qui doit prévaloir dans les salles de classe et les foyers. À moins d'avoir la mémoire courte, il nous faut comparer ces perturbations à celles des années scolaires passées. À l'évidence, les deux semaines non travaillées en février 2010 ne constituent pas un obstacle insurmontable, loin de là. Rappel. En 2003/2004, avec plus de huit semaines de grève, la volonté et l'engagement des enseignants ont pu sauver les élèves des affres d'une scolarité tronquée. Sans oublier de mentionner que cette mobilisation a bénéficié d'un train de mesures initiées par le ministère. Elles étaient destinées à éponger les déficits horaires et combler les retards dans les programmes d'enseignement. Rétablir la sérénité Reconduites, ces mesures sont devenues au fil du temps des paramètres de travail qui guident la gestion du temps scolaire chez les enseignants et l'administration mais aussi chez les élèves et leurs parents. Les candidats aux examens nationaux ne sont plus soumis au spectre de sujets/piège. À l'instar de leurs aînés des éditions précédentes, ils ne seront examinés que sur les leçons effectivement dispensées en classe. Il y a lieu de donner à cette initiative toute sa valeur. Que l'on se remémore — pendant des décennies — des échecs aux examens ont eu pour cause des sujets puisés de leçons non dispensées (celles de fin de programme notamment). À l'époque, il n'y avait pas cette transparence et cette vigilance que seule une commission nationale de suivi des programmes dûment mandatée pouvait garantir. Dans le cadre de la réforme, cette commission a été instituée. Régulièrement, elle prend la température des salles de classe en matière d'évolution des progressions pédagogiques. Ce travail méticuleux est l'œuvre des inspecteurs et des enseignants responsables de matières. Il débouche vers le 25 mai sur un état des lieux exhaustif à l'échelon national. Cette mise à niveau libère la conscience des concepteurs des sujets et évite ainsi aux candidats les impasses des sujets/pièges. Faudrait-il encore que les examens blancs (bac et BEM) soient suivis d'une correction collective minutieuse et rigoureuse en salle de classe. Cette pratique (la correction collective) – ô combien décisive dans la phase de révision au bac — a disparu dans un grand nombre de lycées. Les élèves préférant, dès la dernière épreuve de l'examen blanc, vaquer aux cours de soutien payants. Ce qui les prive d'une excellente préparation aux futures échéances. Du point de vue complexité et niveau, les sujets du bac blanc sont comparables à ceux de l'examen. D'où l'importance de les corriger avec rigueur. Autres mesures sécurisantes : les candidats auront deux sujets au choix avec une rallonge de 30 minutes pour chaque épreuve. Dans le registre de la préparation/révision, depuis quelques années, les établissements scolaires ouvrent leurs portes après les heures de cours, en fin de journée, pendant les week-ends et les vacances scolaires. C'est là une belle opportunité offerte aux élèves candidats pour réviser en groupe et/ou solliciter l'aide des aînés ou de leurs enseignants. Sur ce point, les parents sont interpellés pour encourager leurs enfants à fréquenter ces révisions en groupe et leur faire l'économie des cours sauvages (payants) qui les saignent. Il est d'ailleurs grand temps de dénoncer ces pratiques honteuses qui dénaturent la relation éducative et portent atteinte à l'éthique professionnelle du noble métier d'enseignant. Quant à ces vacances de printemps, comme de coutume, la tutelle a octroyé le paiement des heures de rattrapage pour les classes de terminale. Les élèves en ont bénéficié gratuitement et leurs encadreurs rémunérés. Asseoir la Réforme Il est dommage que les mouvements de grève alimentent les chroniques sur des thèmes – quoique respectables et légitimes — qui n'ont pas de lien direct avec la pédagogie. N'est-il pas temps de revenir sur l'essence même du métier d'éducateur et sur la mission de l'institution scolaire ? Aborder enfin des thématiques en prise sur le vécu de la classe. De celles qui tonifient les esprits des élèves, redonnent du crédit à la relation maître-élève et anticipent sur les enjeux majeurs de l'Ecole moderne. Le lancement de la réforme a vu le jour en septembre 2003. Sept ans qu'une réflexion est engagée et que des dossiers lourds ont été ouverts dont l'objectif stratégique vise à moderniser le fonctionnement et l'organisation de l'Ecole algérienne. Exemple illustratif : la création d'un Centre national pour l'intégration et le développement des TIC dans le système scolaire et la généralisation effective des laboratoires d'informatique dans les lycées et les collèges, en attendant les écoles primaires. Faut-il se réjouir ou pleurer de la réhabilitation de la symbolique universelle mathématique (en physique et en chimie aussi) après des décennies d'absence ? Doit-on occulter la prise en charge d'une formation universitaire au profit de 214 000 enseignants du primaire et du moyen ? Un plan national lancé en concertation avec le ministère de l'Enseignement supérieur et qui s'étale jusqu'à l'horizon 2015. Par ailleurs, des avancées notables sont enregistrées sur les conditions d'accueil : 74% des écoliers bénéficient de la restauration en cantine, ce taux grimpe à 100% pour leurs camarades du Sud. En vue d'éponger les sureffectifs par classe et éradiquer les rotations en double vacation, des milliers d'infrastructures ont été construites ces dernières années (écoles, lycées, collèges). La nouveauté phare de la réforme restera sans nul doute la généralisation progressive des classes préparatoires dans toutes les écoles : 75% des enfants d'une classe d'âge (5 ans) fréquentent ce cycle de base. Au vu de l'importance de cette année préparatoire dans la réussite future de l'élève, les parents ne peuvent que se réjouir. Ce sont là des points de la réforme – il y en a d'autres — qui doivent inciter à la réflexion critique, l'analyse scientifique. Depuis septembre 2009, l'Algérie s'est dotée d'une nouvelle organisation de l'année scolaire portée à 32 semaines. Elle est en phase avec les standards internationaux et répond, un tant soit peu, aux exigences de la chronobiologie. Elle est entrecoupée de vacances alternées en deux périodes de deux semaines (hiver et printemps) et deux autres d'une semaine, en février et mai, ces dernières ayant été sacrifiées pour cause de récupération des heures perdues. Cette notion de temps scolaire est à rattacher à celle dite de (sur) charge liée aux programmes. La problématique récurrente de la lourdeur des programmes doit nous inciter à plus de prudence. Nous ne devons pas confondre le programme avec le manuel qui en est l'émanation et les horaires qui lui sont rattachés. D'un autre côté, l'élaboration des programmes mathématiques et scientifiques répond à des normes universelles contrôlées par l'Unesco. Toutefois, la charge de travail doit être l'objet d'un questionnement. Pour les pays européens — dont la Finlande — l'année scolaire est de 38 semaines (40 semaines pour l'Allemagne) avec un volume annuel variant de 628 heures (pour le primaire) à 835 pour le secondaire. Dans un pays aussi chaud que la Jordanie, la rentrée scolaire s'effectue à la fin août. Dans le système algérien d'avant la réforme, l'année scolaire était de 27 semaines au maximum (souvent moins dans certains établissements) avec un volume annuel de 790 heures pour le primaire et 968 pour le moyen et le secondaire. Comparativement à ses pairs d'Europe, sur l'étendue d'une année, l'élève algérien fréquente moins l'école mais a beaucoup d'heures de travail… et beaucoup de vacances. N'est-ce pas là l'une des distorsions qui donne l'illusion d'optique d'une “surcharge des programmes” ? Le bon sens voudrait que cette question soit affinée et approfondie de façon à se mettre au diapason des exigences scientifiques tant pédagogiques, culturelles que chronobiologiques. De nos jours, l'éducation est intégrée en tant qu'investissement. Elle est devenue une plus-value qui conditionne le développement global d'un pays et nourrit les travaux de recherche des universitaires et autres chercheurs. La recette miracle n'est pas au bout des doigts. La réforme est soumise à des évaluations en interne avec des spécialistes nationaux et en externe. Le ministère de l'Education nationale sollicite régulièrement des experts étrangers dont certains sont d'éminents spécialistes en évaluation des programmes et en engineering de la formation. Deux dispositifs financés par des organismes internationaux participent à ces évaluations et à ces formations : le PARE de l'Unesco – Projet d'appui à la réforme — et MEDA II. Leurs conclusions ne nous autorisent pas à verser dans l'autosatisfaction. Tout comme elles ne noircissent pas le tableau d'un système scolaire qui se relève, peu à peu, d'une longue hibernation. Les évaluations ponctuelles continuent avec les nécessaires réajustements qui s'imposent. Mais, la participation des principaux intéressés (les enseignants) reste marginale alors que leur adhésion est une donnée incontournable dans la réussite de la réforme. Cette dernière doit continuer sous l'éclairage permanent de l'évaluation et sous la conduite d'un état d'esprit collectif, le seul à même de lui assurer ancrage et solidité. Qui sait si l'heure n'est pas enfin venue de nous pencher sur les aspects de la réforme qui méritent débat ? La formation initiale et continue, l'évaluation et la remédiation, la recherche pédagogique, la vie dans les établissements etc... C'est une œuvre passionnante qui attend tous les membres de la communauté éducative, les enseignants en tête. La somme de leurs efforts et leur génie créateur peuvent et doivent trouver un espace fédérateur : des associations à caractère pédagogique, par exemple. Nous sommes l'un des rares pays au monde où ce genre d'espace vivifiant n'existe pas, à l'exception de quelques associations de wilaya regroupant des enseignants de français. De leur côté, les parents ont vu leur place consacrée officiellement par la loi d'orientation promulguée en janvier 2008. Il leur appartient de concrétiser l'objectif fixé, à savoir créer une association de parents d'élèves active et efficace dans chaque établissement scolaire du pays. Nos consciences d'éducateurs sont interpellées sur ces questions brûlantes d'actualité mais qui peuvent augurer d'un avenir scolaire radieux pour nos élèves. En attendant ce jour tout proche, l'opportunité est offerte à nos enfants de finir l'année 2009/2010 en beauté. Loin de la désinformation et de l'angoisse. A. T. *pédagogue