La tenue de la 43ième Foire internationale correspond à quelques jours près à celle du Conseil de ministres qui a approuvé le programme 2010-2014 d'investissement public de 286 milliards de dollars. A quoi peut être utile, pour les différents acteurs d'ici et du reste du monde intéressés par ce programme, ce timing bien calculé pour une fois ? En tout cas pour moi la conjonction de ces deux événements est le moment qui me paraît le plus approprié pour passer en revue leur niveau de préparation et leurs stratégies cachées ou affichées. Je vous propose donc de faire cet exercice dont les résultats seront indicatifs des conditions actuelles d'exécution de ce programme. Nous verrons que les acteurs algériens ne sont pas encore en ordre de bataille. Quant aux autres ils n'ont pas tout dit. Identifions d'abord ce que j'ai appelé les acteurs concernés. Ils sont au nombre de trois Il s'agit d'abord des pouvoirs publics avec leur double casquette d'investisseur majeur car ils mettent sur la table la mise la plus forte et de régulateur car ils sont en charge des politiques économiques. Ensuite on peut citer les entreprises algériennes interpellées par rapport à leurs capacités réelles à devenir un outil majeur dans la réalisation des programmes de développement ce qu'elles n'on pas été dans le passé. Enfin il y a le reste du monde qui est mû par des finalités communes, quelles qu'en soient les déclinaisons nationales ou régionales, car dans le business il n'y a pas les bons et les mauvais partenaires il n'y a que des intérêts bien ou mal défendus. Commençons d'abord par les pouvoirs publics. Le Premier ministre a d'emblée balisé le prochain parcours quinquennal lors de l'inauguration de cette 43ième édition de la Foire internationale d'Alger. Il a ainsi affirmé que « l'Algérie, ce n'est pas qu'un marché c'est aussi un pays …on ne va pas mettre 286 milliards de dollars pour les importations ». Le message ne pouvait pas être plus clair surtout quand il ajoute que « l'Algérie dispose de cartes gagnantes et veut négocier avec ses partenaires dans son propre marché ». Décrypté cela veut dire que « ceux qui veulent vendre doivent investir » pour reprendre une formule que j'avais déjà utilisée. La question qui se pose est dès lors simple. Sommes –nous en ordre de bataille pour opérer cette inflexion lourde vers de nouvelles stratégies « internalisées » de réalisation? Cela n'est pas aussi sûr. Passons en revue les troupes pour le constater. Les entreprises algériennes d'abord car ce sont elles qui seront à la pointe du combat. Ce deuxième acteur concerné n'a à l'évidence que peu contribué à l'exécution des investissements précédents lorsqu l'on se réfère au chiffre donné par le ministre du commerce précèdent qui disait qu'au moins les deux tiers des montants consacrés ont servi à payer les importations. Pour améliorer ce score il y a beaucoup de travail à faire sur tous les plans : au niveau institutionnel et administratif pour secouer une bureaucratie lourde, au niveau des entreprises pour les moderniser et les professionnaliser. Le dialogue entre les pouvoirs publics et le monde des entreprises doit être rapidement noué ou renoué car les obstacles sont nombreux, le temps limité et les opportunités non répétitives. La mise à niveau annoncée de 15000 PME du BTPH, du tourisme, de l'hôtellerie et des services d'appui à l'industrie est un progrès notable mais cela reste insuffisant face à l'ampleur des besoins des 400 000 PME existantes. L'objectif de création de 200 000 PME dans les quatre prochaines années sera-t-il atteint ? Enfin « les champions » industriels algériens tardent à se mettre en place et à monter en puissance. Il y a enfin les derniers acteurs intéressés par notre marché dont la vitesse d'émergence a étonné : les partenaires du reste du monde. Comment vont-ils ajuster leur démarche de pénétration dans le marché algérien pour les uns et de consolidation et d'élargissement de parts de marché pour les autres ? Relevons leurs points communs affichés : tous disent, notamment à la faveur de la tenue de cette foire, vouloir « s'adapter » aux dispositions prises par les autorités algériennes, tous « veulent faire des partenariats là où elles (les PME françaises) étaient limitées à la vente » pour reprendre les termes de François Roubaud, président français de la Confédération générale des PME (CGPME). Il y a aussi ce qu'ils ne disent pas: leur stratégie interne de groupe (corporate strategy) sur le marché algérien. L'exemple le plus récent dont j'ai pu avoir connaissance est celui largement médiatisé du groupe multinational américain General Electric (GE). En dépit d'une longue expérience réussie de partenariat avec la Sonatrach et la Sonelgaz dans le cadre de leur filiale commune de maintenance de turbines, ALGESCO, je ne suis pas sûr que GE ait pris toute la mesure de la volonté algérienne de remonter dans la filière de fabrication des composants. Avec un parc de plus de 70% des turbines à gaz fonctionnant dans le pays je ne crois pas que l'Algérie se contentera de la délocalisation du seul segment de maintenance sur le site de Boufarik. Je l'ai dit à Ricardo Cordoba, président de GE ENERGY Western Europe-North Africa. Je ne sais pas si j'ai été entendu. Un dernier élément relatif celui la à la sphère monétaire et bancaire. Il s'agit de l'accord donné par la COSOB à Maghreb Leasing Algérie (MLA) pour lever un emprunt obligataire de 2 milliards DA sur 5 ans. La particularité est que cet emprunt est adossé à « une garantie financière inconditionnelle, irrévocable et à première demande » donnée par la SFI (50%) BNP Paribas (25%) et HSBC (25%). En dépit d'une idée reçue et malgré le retard pris par le secteur bancaire cette information conforte le point de vue que c'est dans la sphère réelle que l'on aura le plus de difficultés à faire bouger les lignes. La preuve.