Je voulais vraiment continuer sur ma lancée, porté que je suis par l'illumination soudaine que seul le soufisme peut procurer. Surtout que les références à Hallaj et Jalal Ud Dîne Rûmî, doctement soulignées semble-t-il dans ma précédente chronique, avaient fait le bonheur de nombreux lecteurs. Mais la commémoration du 54e anniversaire du Congrès de la Soummam en décida autrement tant elle revêt, à mes yeux, un intérêt particulier. Des assises diversement appréciées quand elles n'étaient pas vouées aux gémonies à l'instigation de certains pays frères dont la volonté d'instrumentaliser quelques représentants du mouvement national n'avait pas été sans engendrer des situations inextricables. Les récentes levées de boucliers orchestrées par des milieux connus pour leur indéfectible attachement à la prééminence du front extérieur sur celui de l'intérieur traduisent on ne peut mieux les divergences à l'honneur au sein du FLN dont l'autorité était écartelée entre Le Caire et Alger, à un moment où la question de l'armement fragilisait sensiblement la résistance à la caste coloniale. La France, on s'en doute, ne se privait pas d'exploiter ces contradictions. S'il existait des commandements à l'échelle zonale, soulignait Benyoucef Benkhedda, si au Caire, la délégation extérieure assurait avec plus ou moins de bonheur la représentation du FLN, par contre, il n'existait pas une direction centrale du FLN, une autorité en mesure de se poser en interlocuteur valable vis-à-vis de l'adversaire, en porte-parole de la Révolution et du peuple algérien. C'est un peu dans un tel contexte qu'Abane Ramdane prit l'initiative de s'adresser aux chefs de maquis en vue d'une rencontre et de créer une commission dont le résultat se traduira par le projet de la “Plate-forme de la Soummam”. Un document qui aura le mérite de proposer une analyse de la situation politique de l'insurrection, de fixer les objectifs à atteindre et les moyens d'y parvenir, de poser le problème des négociations et les conditions de cessez-le-feu qui serviront de base aux négociations d'Evian : reconnaissance de la nation algérienne une et indivisible et de l'Indépendance de l'Algérie et de sa souveraineté pleine et entière, dans tous les domaines ; libération de tous les Algériens et Algériennes emprisonnés, internés ou exilés pour activité politique ou armée. Il va sans dire que la reconnaissance du FLN comme seul représentant du peuple algérien et seul habilité à prendre part à toute négociation y occupe une place de choix. À l'évidence, ce document ne faisait que fixer les objectifs stratégiques de la guerre et les moyens d'y parvenir, notamment les conditions du cessez-le-feu. Son mérite aura été d'avoir fourni aux militants et aux cadres du FLN, à l'extérieur comme à l'intérieur, des repères d'orientation clairs et fermes pour la poursuite du combat. C'est assurément grâce au Congrès de la Soummam que les bases d'une réflexion sur la nécessité de mobiliser tous les moyens de communication au service de la cause algérienne ont été jetées. Une cause qui se devait d'être amplifiée par l'utilisation, notamment, de moyens audiovisuels et la mobilisation des forces démocratiques en Algérie et en France pour l'émergence d'une solidarité agissante entre les peuples algérien et français. Alors qu'en dehors des tracts et des communiqués paraissant occasionnellement, le FLN n'avait pas de journal pour s'affirmer sur le plan public, faire connaître ses positions politiques, relater les exploits de l'ALN, les massacres et tortures de la police et de l'armée françaises. C'est dans les maquis, et à la suite d'une initiative de Abane Ramdane, aidé en cela par le cinéaste René Vauthier, que verra le jour une structure de formation conçue pour doter la Révolution nationale d'une mémoire visuelle avec, à la clé, la naissance, dans les maquis, du cinéma algérien. Le cinéphile que je suis n'est pas près de l'oublier… A. M. [email protected]