Alors qu'il lui est pressenti un rôle de leader, le gaz algérien subit, depuis quelques mois, les contrecoups de la baisse de la production. Les spéculations sur la capacité de l'Algérie à tenir ses engagements de livraisons gazières, les prochaines années, sont constamment répercutées par la presse. On a même évoqué l'essoufflement du champ super-géant de Hassi R'mel, principale zone de production du pays. Pendant qu'experts et analystes se relaient pour émettre des avis et conclusions techniques, le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, se contente de rassurer les compagnies internationales sur le potentiel énergétique algérien. En effet, les rares déclarations du ministre ont laissé les observateurs sur leur faim. C'est ainsi que, concernant la baisse appréciable des exportations algériennes en 2009 et en 2010, le ministre avait évoqué des retards dans les projets en coopération ou en cours de réalisation ainsi que des incidents techniques sur les sites gaziers. Les exportations algériennes ont baissé de 11% alors que le volume des échanges de gaz dans le monde s'est développé de 8,1%. Selon les chiffres relayés par la presse, l'Algérie a vu ses capacités de production chuter de 5 à 6 milliards de mètres cubes annuellement. À l'éclatement de la bulle gazière, l'Algérie devra rattraper ses retards d'investissement dans les projets de GNL qui ne seront pas achevés avant 2013. C'est le cas pour l'usine d'Arzew, réalisée par la société italienne Saipem et le japonais Chiyoda, ainsi que celle de Skikda confiée à KBR. Un autre retard contraignant provient de l'ensemble du méga-projet gazier de Gassi Touil, dont la réception était prévue pour 2009 mais ne sera effective que d'ici 2013. Ce projet, décidé en 2003, et qui a vu l'entrée dans le partenariat des deux compagnies espagnoles Repsol et Gas Natural, devait être achevé en 2009, mais le retard accusé par les deux partenaires a amené Sonatrach à revoir ses cartes et à rompre le contrat. Les partenaires étrangers et clients traditionnels de l'Algérie sont sceptiques d'autant que la menace des concurrents est omniprésente. La question qui se pose, aujourd'hui, est celle de savoir si l'Algérie est en mesure de garder ses parts de marché en Europe face à des producteurs de taille, à l'instar de la Russie et éventuellement le Qatar ? En tant que premier pays producteur de gaz au monde, la Russie a des capacités largement plus importantes que l'Algérie. Le Qatar, pour sa part, semble arriver à pas de géant sur le marché européen. Ce dernier pointe en tête des plus gros producteurs de gaz au monde et représente un potentiel de développement considérable. Par ailleurs, l'annonce récemment par le Qatar et la Russie de projets d'investissement communs, qui pourraient être réalisés par Gazprom et Qatar Petroleum, ne semble pas être dans l'intérêt de l'Algérie qui risque de faire face non à deux concurrents mais plutôt à l'alliance des deux plus grands producteurs mondiaux. Le constat établi est que l'ex-ministre Chakib Khelil avait des objectifs irréalistes et aventuriers, notamment d'exportation de 85 milliards de mètres cubes de gaz naturel dès 2011. Au sein de la communauté des experts du secteur, le souhait est de voir le ministère fixer de nouveaux objectifs plus en conformité avec la réalité de l'amont gazier et de l'expansion de la demande domestique de gaz. D'autant que Sonatrach n'a pas signé commercialement pour 85 milliards de mètres cubes de gaz naturel à l'exportation et peut donc assurer des livraisons à un palier inférieur en attendant l'éclatement de la bulle gazière actuelle prévu dans quatre ou cinq ans, si la reprise économique mondiale se consolide. Il serait sûrement inexact de dire aujourd'hui que la source gazière algérienne est moins fiable. Mais face aux mutations que connaît le marché gazier et à la nouvelle politique énergétique de l'Algérie qui tarde à se dessiner, l'inquiétude est plus que légitime.