Cette version se veut ainsi un outil de travail et de préparation didactique, rigoureusement bien structuré pour faciliter la compréhension et l'apprentissage de l'histoire – domaine de spécialistes - à un large public. La revue d'étude et critique sociale, Naqd, paraissant depuis bientôt vingt ans, vient de mettre au monde de la culture un supplément sous format de poche qui nous rappelle un peu la vieille collection Que sais-je ? des Presses universitaires de France. Un nouveau-né qui vient éclairer un tant soit peu des pans de notre histoire nationale. Relevant ainsi le défi de fournir à la matière une adresse qui échappera pour une fois aux apprentis sorciers et aux nouveaux débarqués dans le domaine. Pas moins de quatre éminents historiens dévoilent dans leur contexte, et non sans objectivité, les événements du 11-Décembre 1960. Regards croisés, vue de l'extérieur, de l'intérieur et en plein milieu, en acteur de la guerre. L'éminent historien, Mohammed Harbi, avec la finesse qui lui est connue, s'étale sur les événements en les mettant dans leur contexte. Se souciant de l'objectivité, l'historien, ayant été lui-même acteur dans la guerre et donc témoin de choix, replonge dans la période pour parler des aspects psychologiques des uns et des autres ; le climat d'insécurité permanent de l'occupant “substituée à l'insécurité permanente de l'ALN qui ne peut rester présente plus de12 heures dans un même village”. Un climat de méfiance et de suspicion s'installe. “Si le peuple n'est pas pour la France, écrit Harbi, il faudrait être en revanche bien optimiste de soutenir qu'il est pour le GPRA.” C'est une réalité on ne peut plus triste qui aurait favorisé une stratégie militaire. De ce point de vue, le rebondissement populaire, comme la démonstration du 8-Mai 1945, redonnera espoir à certains et fil à retordre pour d'autres. “C'est la plèbe qui, les mains nues, a dit non en acclamant le nom de Ferhat Abbas et le GPRA” Une action qui émerge d'en bas sans mot d'ordre ? Hartmut Elsenhans, professeur allemand des relations internationales, ayant à son actif des ouvrages de référence sur la guerre d'Algérie, nous livre l'impact des événements du mois de décembre dans les grandes villes et les prémices de l'indépendance de l'Algérie. “À partir de décembre 1960, la solution du problème algérien ne peut être obtenue que par les négociations d'égal à égal sur la base du repli de la France.” Dans des conditions d'une réalité politique internationale qui évolue, l'attitude de la France est sommée d'évoluer, même si “la grande majorité des forces politiques françaises rejette aussi l'indépendance pure et simple de l'Algérie et souhaite une solution intermédiaire”. Ainsi, comme le souligne le professeur allemand, “les manifestations de décembre 1960 constituent la victoire des nationalistes algériens sur le plan politique et constituent donc un véritable Diên Biên Phu de l'armée française dans la guerre d'Algérie”. Encore une autre preuve que le peuple, même affaibli par une politique de paupérisation, reste debout. L'historien français des relations internationales, Maurice Vaisse, nous renvoie, quant à lui, à l'année 1960 où le général de Gaulle infléchit nettement sa politique dans une conjoncture où “la pression internationale se fait plus forte”, ce qui le conduira sans doute à “progresser” dans sa vision de l'Algérie allant jusqu'à “mettre un terme à la guerre d'Algérie”. Ce revirement, accompagné d'une visite de quatre jours (du 9 au 13 décembre 1960), s'est soldé par “96 morts et 370 blessés”, selon l'auteur de Alger, le putsch. Les tentatives du général n'auraient point d'appui. Vaincre militairement le FLN et l'isoler politiquement du peuple étaient un projet voué à l'échec. Ce même FLN, massivement appuyé par le peuple, a contraint l'administration française et, à sa tête de Gaulle, à lâcher à contre-courant des Européens d'Algérie et une partie de l'armée française qui ne veulent pas entendre le mot “indépendance”. Le directeur de la revue Naqd, dans son introduction “Les effets des manifestations de décembre 1960 sur les maquis”, relate également les événements en les plaçant dans leur contexte, une manière de démystifier un discours qui s'éloigne, aujourd'hui, après quarante-neuf ans de son véritable objectif. La petite collection Naqd, dans ce premier numéro, vient à temps pour ramener un autre son de cloche pour une véritable écriture de l'histoire, mais aussi et surtout un récit très riche et très bénéfique aux jeunes lecteurs ; une fiabilité même au moment où l'outil Internet et d'autres moyens lourds éjectent des informations parfois douteuses, voire erronées. Onze Décembre 1960, le Diên Biên Phu de la guerre d'Algérie, une nouvelle petite collection Naqd de 150 pages à découvrir dans les librairies à partir d'aujourd'hui au prix de 150 DA, donc abordable pour les petites bourses. Une bonne idée de cadeau pour commémorer cet événement.