Selon le Cnea, la mauvaise répartition du patrimoine immobilier est à l'origine de la crise du logement. Le collège national des experts architectes (Cnea) vient d'achever son “livre blanc” sur le secteur de l'habitat en Algérie. Dans son ouvrage, le Cnea dresse un bilan global du secteur et fait une projection sur ses perspectives. Le collège estime que chaque commune des 1 541 recensées, doit disposer d'une cartographie de son patrimoine immobilier existant, vétuste, inachevé et inoccupé ainsi que du foncier disponible. Outre le recensement de la population, cette organisation suggère que les besoins en construction de chaque commune soient identifiés. Ce qui permettra aux responsables de connaître les quantités de ciment à consommer. Si une APC prévoit un projet de 100 logements par exemple, elle aura besoin de 2 500 tonnes de ciment, sachant que la réalisation d'un appartement nécessite 25 tonnes. Ainsi, la consommation, la production et les pertes en ciment seront contrôlées. “Avec une telle méthode et cette maîtrise, le P/APC ne va pas évoquer une quelconque pénurie ou crise de ciment”, indique Abdelhamid Boudaoud, président du Cnea. Pour qu'une APC demande un accompagnement pour un projet, l'Etat doit l'obliger, affirme-t-il, à réhabiliter et/ou achever au préalable un certain pourcentage de son patrimoine immobilier. Celui-ci doit être doté d'un carnet de santé avec une grille de vétusté. Grâce à une telle démarche, le nombre de bâtisses inachevées, évaluées à 1 175 000 à travers tout le territoire national, sera réduit progressivement. En outre, le projet arrêté par l'APC devra être bien ficelé, c'est-à-dire disposer des études ayant trait au sol, technique, architecture et génie civil. Sur un autre plan, le maître d'ouvrage doit justifier de l'appel d'offres lancé, indiquer l'entreprise réalisatrice, les matériaux, le personnel technique, le délai de réalisation et le portefeuille financier. Le président du collège met toutefois un bémol : le financement devra s'effectuer en fonction des travaux et des parties du projet réalisées. Et l'enveloppe à débloquer devra être signée par le chef du projet et déposée au niveau de la banque. Par ailleurs, tout le personnel technique et de l'administration tels que le directeur de l'urbanisme, l'architecte, le Duch doivent être nommés, selon M. Boudaoud, par le ministère de l'habitat et de l'urbanisme. F1 et F2 : une “nécessité” pour les jeunes couples Ces cadres devront également suivre des cycles de perfectionnement. Sur un autre registre, le président du Cnea affiche sa position pour le maintien des appartements de type F1 et F2 dans les programmes. Car, argue-t-il, cette catégorie de logements aidera et motivera les jeunes couples à trouver où crécher en louant à des prix abordables durant les premières années de leur vie conjugale. En encourageant la location, les tarifs baisseront à coup sûr. Ensuite, les jeunes couples, une fois leur famille élargie avec la naissance des enfants, ils aspireront à un logement plus espacé, plus confortable et opteront pour un F3 ou F4… Quant aux logements inoccupés, le Cnea préconise une cartographie nationale. Par la suite, il sera impératif, propose le collège, d'“instaurer une taxe d'habitation d'inoccupation du logement qui peut être fixée à 30% du prix de la location durant les deux premières années pendant lesquelles le logement a été fermé. Les deux années d'après, la taxe sera revue à la hausse pour atteindre 50%”. Cette taxe va, de ce fait, dissuader les propriétaires à fermer leurs appartements et seront contraints de les louer ou de les occuper. Et celui qui veut louer son appartement, l'APC lui fera bénéficier, estime M. Boudaoud, une défiscalisation de la location pendant les 3 premières années. Ce qui l'incitera à maintenir la location. Et la taxation ne commencera, propose-t-il, qu'à compter de la 5e année avec un taux raisonnable de 5%. “Cette démarche fera non seulement baisser les prix mais créera aussi la culture de la location dans notre pays”, commente-t-il. Interrogé sur cette crise du logement qui persiste encore depuis plusieurs décennies dans notre pays, cet architecte soulève comme principale raison : la mauvaise gestion des programmes qui a donné lieu à une répartition déséquilibrée de l'implantation des logements à travers les régions. Il a été construit, jusque-là, quelque 7 millions de logements avec un taux d'occupation par logement (Tol) de 5 mais la crise se perpétue. Ce parc national est essentiellement concentré dans les grandes villes devenues entièrement saturées à la défaveur du monde rural qui n'a pas bénéficié de programmes suffisants. Pour le deuxième plan quinquennal lancé entre 2010 et 2014, le Cnea avance l'idée de la nécessité d'un audit général qui touchera toutes les structures impliquées dans l'acte de bâtir telles que les Opgi, les Duch… ainsi que les communes. Autant de missions qui peuvent être confiées, entre autres, aux 4 630 architectes et 4 035 ingénieurs en bâtiment agréés recensés. Car, désormais, souligne Abdelhamid Boudaoud, il est grand temps d'en finir avec la politique de la quantité et d'opter pour la qualité…