Le départ de Bouteflika est “un préalable absolu, un impératif même”. “Il doit passer la main car l'ouverture et le renouveau sont indispensables pour le pays”, insiste-t-il. Figure emblématique du combat pour les droits de l'Homme en Algérie, Ali Yahia Abdenour, président d'honneur de la Laddh, a plaidé ouvertement pour l'éviction de Abdelaziz Bouteflika de la présidence de la République pour cause d'incapacité physique à exercer ses fonctions. “C'est l'armée qui l'a ramené, elle doit prendre ses responsabilités”, a-t-il soutenu, lors d'une conférence de presse organisée, hier, par la CNCD à l'hôtel Sofitel, à Alger, en présence de représentants de certaines chancelleries. Légaliste, Me Ali Yahia préconise le recours à l'article 88 de la Constitution qui prévoit ce cas de figure. “Dans son discours à la nation, un exercice très laborieux, le chef de l'état a donné l'image pathétique d'un homme épuisé par la maladie, incapable d'assumer ses fonctions”, explique-t-il. Pour lui, le départ de Bouteflika est un préalable absolu, un impératif même. “Il doit passer la main car l'ouverture et le renouveau sont indispensables pour le pays”, insiste-t-il. “Au sommet du pouvoir, il y a trois pôles : la Présidence, l'armée et le DRS. Ce dernier est-il avec la Présidence ou l'armée ? Pour le moment, on ne le sait pas”, explique-t-il. De son point de vue, il faut aller vers une transition démocratique avant d'organiser des élections libres et transparentes. Outre la maladie du chef de l'état, Ali Yahia a invoqué le bilan du président Bouteflika pour convaincre de la nécessité de son départ. “Depuis le troisième mandat, la médiocrité s'est propagée et les Algériens n'ont plus confiance en aucune institution (la Présidence, le Parlement…)”, affirme-t-il. L'autre reproche fait par Ali Yahia Abdenour à Bouteflika est la violation de la loi fondamentale du pays. “La révision constitutionnelle de 2008 était un coup d'état constitutionnel, un acte illégal commis par un président illégitime. Le Président est devenu le seul pouvoir exécutif reléguant le gouvernement au rôle de simple exécutant”, explique-t-il. Que pense Ali Yahia des “réformes'' promises par Bouteflika, celle ayant trait à la révision de la Constitution notamment ? “Ce qu'il a proposé ne cadre pas avec les réalités nationale et internationale. Le changement de la constitution pour un homme ne sera pas correct. Le Président prépare sa propre succession. Il veut le changement dans la continuité. Le Président veut rester en place jusqu'à ce qu'il achève son programme qui ne se terminera jamais”, estime-t-il. Sa conviction est que “le pouvoir est en fin de course” et que le changement “se fera par la rue, pacifiquement ou dans la violence”. Concernant la mort suspecte du militant de la CNCD-Oran, Ahmed Kerroumi, la porte-parole du Parti pour la laïcité et la démocratie (PLD), Mme Aïcha Bekhti, croit dur comme fer qu'il s'agit d'un “assassinat politique”. “Par cet assassinat, le pouvoir envoie un message clair visant à nous décourager et nous démobiliser. Mais nous ne reculerons pas devant l'intimidation”, clame-t-elle. Qu'en est-il de l'ouverture vers d'autres forces militant pour le changement ? Mme Chitour-Boumendjel appelle à la constitution d'un “front” des partisans du changement, comme c'était le cas en 1954. “On est solidaire de toute partie qui milite pour le changement du système et en dehors du système”, conditionne Tahar Besbès. Pour sa part, Me Ali Yahia Abdenour s'est montré critique à l'égard de l'initiative de l'ancien secrétaire général du FLN, Abdelhamid Mehri. “L'inconvénient avec Mehri est qu'il veut rassembler d'abord tout le monde pour s'adresser ensuite au pouvoir. De notre point de vue, il n'y aura aucun changement de et à l'intérieur du système. Il se fera dans la rue mais pacifiquement”, explique-t-il. Interpellée sur la “faible'' mobilisation de la CNCD, Aïcha Bekhti assène : “Non, il n'y a pas recul. Il y a lieu de reconnaître que l'impressionnant dispositif policier intimide les gens. Mais, tôt ou tard, nous finirons par marcher.” “Si nos appels n'ont pas trouvé écho auprès de la population, pourquoi alors le pouvoir a mobilisé 45 000 policiers pour nous empêcher de marcher ?” s'est interrogé Tahar Besbès. La conviction partagée par tous les membres de la CNCD est que leurs marches ont brisé le mur de la peur et que, tôt ou tard, il y aura jonction de toutes les contestations sociales.