Emmuré dans un mutisme total depuis sa déchéance du pouvoir le 14 janvier dernier, l'ancien président tunisien s'est exprimé à travers un communiqué rendu public par un de ses avocats, dans lequel il dénonce comme une “mascarade” le procès que lui intente Tunis, ainsi que les perquisitions menées dans ses bureaux et résidences. L'avocat français Jean-Yves Le Borgne, désigné par le président tunisien déchu Zine Al-Abidine Ben-Ali pour le défendre, a transmis hier à l'agence France Presse un communiqué dans lequel sont client sort pour la première fois de son silence depuis son exil saoudien pour contester le procès instruit à son encontre par la justice tunisienne. Il dénonce comme une “mascarade” le procès et les perquisitions menées dans ses bureaux. Me Le Borgne explique dans le communiqué : “Lassé (du) rôle de bouc émissaire reposant sur le mensonge et l'injustice, le président Ben Ali sort exceptionnellement de sa réserve”, car, selon lui, “les perquisitions effectuées dans ses bureaux officiels et personnels ne sont que des mises en scène destinées à le discréditer et le procès que la Tunisie instruit à son encontre n'est qu'une mascarade dont le seul sens est d'illustrer une rupture symbolique avec le passé”. L'ex-chef de l'Etat tunisien saisit l'occasion pour affirmer qu'“il ne possède ni biens immobiliers ni avoirs bancaires en France, non plus que dans un autre pays étranger”. Son avocat déplore que “l'opinion, souvent guidée par la presse, s'est enfermée dans un manichéisme élémentaire selon lequel le régime politique tunisien d'hier est responsable de tous les maux et coupable de tous les crimes”. Maître Jean-Yves Le Borgne poursuit : “Ainsi cultive-t-on la haine envers le président Ben Ali et ceux qui, parents ou collaborateurs, ont été à ses côtés”, tout en estimant que “cette détestation et ce culte du regard en arrière tiennent lieu de légitimité au pouvoir transitoire et confus actuellement en place en Tunisie”. À signaler que Ben Ali a fait appel à un avocat libanais de renom, Me Akram Azouri, pour assurer sa défense devant les tribunaux tunisiens et internationaux, comme le confirme Me Le Borgne, vice-bâtonnier du barreau de Paris en ajoutant : “Nous travaillons ensemble.” Pour rappel, l'ancien maître de Carthage avait fui son pays pour Jeddah, en Arabie Saoudite, où, selon un proche de sa famille, il a été mi-février victime d'un AVC (accident vasculaire cérébral) qui l'a plongé dans le coma. La rumeur de sa mort avait alors couru. Pour en revenir, aux procès qui lui sont intentés, le ministère tunisien de la Justice a annoncé la semaine dernière que le président déchu et son épouse Leïla Trabelsi seraient jugés par contumace “dans les jours ou les semaines à venir” pour deux premières affaires. Un premier dossier porte sur “la découverte d'armes et de drogues dans le palais présidentiel de Carthage”, le deuxième sur 27 millions de dollars en liquide découverts en février par la commission tunisienne anticorruption dans un palais de Ben Ali à Sidi Bou Saïd dans la banlieue nord de Tunis, selon un porte-parole du ministère. Selon la même source, 88 enquêtes au total sont en cours concernant le couple Ben Ali, sa famille et d'anciens ministres et responsables du régime déchu. Elles concernent des cas d'homicides volontaires, abus de pouvoir, malversation, trafic de pièces archéologiques, blanchiment d'argent et violation de la réglementation sur les marchés publics. Plusieurs pays européens ont gelé les avoirs de l'ex-président tunisien et ceux de sa famille, qui s'était considérablement enrichie pendant ses 23 ans de pouvoir. En France, le parquet de Paris a ouvert en janvier une enquête préliminaire pour recenser et identifier l'origine des biens détenus par l'ex-président Ben Ali et son entourage, à la suite d'une plainte pour corruption de trois ONG : Transparency Inter- national (TI) France, Sherpa et la Commission Arabe des droits humains. Les associations soupçonnent que cette fortune n'est “pas le fruit des seuls salaires et émoluments” du président déchu et demandent un recensement des avoirs du clan Ben Ali et leur restitution au peuple tunisien.