Il n'y a pas l'ombre d'un doute que l'homme avait appris à dessiner avant d'écrire. Le souci de laisser des traces : sentiments, croyances, appartenance, joie, peine… était déjà présent chez l'être humain, depuis la nuit des temps. Comme les dessins et motifs que l'on retrouve sur le tapis berbère à travers le grand Aurès. Aussi bien le tapis de la tribu des Nememcha, celui des Hrakta ou des Ath Soltane, le motif est omniprésent pour dire et raconter des histoires des temps passés pour celui qui sait lire. Une autre forme d'écriture et d'expression que l'on retrouve chez les Berbères des Aurès (les Chaouis), c'est ahjam (le tatouage). Le tatouage avait, cependant, sa place de choix, car son support n'était autre que le corps de l'homme lui-même (femmes/hommes), ce qui peut exprimer peut-être la valeur et l'importance accordée autrefois au tatouage dans la société auressienne. En effet, en plus du signe d'appartenance tribale et de la fonction curative et préventive, on accorde aussi au tatouage d'autres vertus (protection contre le mauvais œil et conjurer le mauvais sort), mais il n'en demeure pas moins que ces tatouages diffèrent par leurs noms, leurs techniques, leurs motifs et leurs buts ; en témoigne l'exemple du vocabulaire utilisé pour désigner le tatouage : ahjam, ouchem, tiwchmin, tizgwet…etc., et les symboles utilisés : ouchen (chacal), Ifker (tortue), Mighze (serpent), une croix ou encore quatre points. Chaque tatouage avait sa place : sur les chevilles, le front, les joues ou le dos de la main, sachant que ce n'est jamais anodin, aussi bien pour le membre ou la partie tatouée, que pour le motif et le signe choisis. Les femmes ne se font tatouer que le front, les tempes, les pommettes et le menton par des formes rectilignes fines. Par contre, si chez les hommes les tatouages ne sont visibles que sur les poignets et les mains, d'autres parties du corps peuvent êtres tatouées mais souvent dissimulées. Les motifs (ahjem) sont très anciens ; ils se présentent en dessins aux traits très épais. La croix, appelée ter, se trouve en tous endroits du corps, contrairement à laou (burnous) qui est le motif le plus répandu et qui ne se trouve qu'au front. La palme, tajrit se trouve sur le menton ou les membres ; izi (mouche) est fréquent sur la joue. Cependant, il n'y pas de démarcation nette entre les différents motifs. Outre les symboles iri mulram (le cou du chameau) et khemst (la main de Fatma), qui sont souvent réservés aux femmes, on constate dans la tradition chaouie que les femmes sont beaucoup plus tatouées que les hommes. Le mot lusham ou ahjam désigne, selon qu'il s'applique à un homme ou une femme, des motifs différents, faits selon la même technique. Quand les jeunes hommes le portent sur le dessus du poignet ou sur la main, c'est que dans les fêtes, ils jouent de la flute ou du bendir (tabourin) et s'ils se font tatouer c'est pour que leur bras, mis en valeur par le maintien de l'instrument de musique, paraissent plus élégants. Chez les femmes, ce sont surtout celles à teint clair qui portent des ahjem. Si le tatouage au front et considéré comme un décor pour les femmes, ce n'est pas le cas pour ceux des mentons et des jambes qui attirent les regards. C'est vers le moment de la puberté que les femmes font appel à des tatoueuses professionnelles, avant d'être tenues à respecter le Ramadhan. Quelques femmes se font tatouer plus tard de nouveaux motifs, si cela plaît à leur mari. De nos jours, la pratique à totalement disparu. Cependant, presque la totalité des motifs réapparaissent pour différentes réalisations artistiques et artisanales : tapis, poterie, bijoux et même en art plastique. D'ailleurs, l'artiste peintre Amraoui Hacene, installé au Québec, réalise de belles œuvres avec ces formes millénaires. Erratum : Une malencontreuse erreur s'est glissée dans la page culturelle de l'édition de jeudi dernier, nous faisant passer un article au lieu de celui-ci. Nous reproduisons aujourd'hui la bonne version. Nos excuses à l'auteur et aux lecteurs.