La police norvégienne est convaincue qu'Anders Behring Breivik a agi seul malgré l'évocation par l'auteur de l'attentat d'Oslo et de la tuerie d'Utoeya de deux autres cellules ! “Nous pensons que l'accusé est très peu crédible quand il affirme cela”, a déclaré un enquêteur. Les experts de police voient dans les révélations du terroriste à la tête blonde surtout de la vantardise. Pour eux, les propos de Breivik sur son appartenance à une organisation luttant contre l'islam en Europe, c'est pour semer la confusion. Signe que la police ne croit guère à cette thèse, les contrôles aux frontières imposés après la double attaque du 22 juillet ont été levés lundi. La Norvège n'a pas non plus demandé à d'autres pays de mener des enquêtes et n'a pas relevé son niveau d'alerte au terrorisme. La police préfère s'en tenir au manifeste de Breivik de 1 500 pages posté sur Internet le jour du carnage, qui a fait huit morts à Oslo et 68 morts sur l'île d'Utoeya, dans lequel ce militant d'extrême droite affirmait : “Si vous voulez que les choses soient faites, faites-les vous-mêmes.” “Intuitivement, à la lecture du document, on se dit qu'il est seul. C'est comme s'il était perdu dans un monde fabriqué et qu'il ne pouvait pas faire la distinction entre la fiction et le réel”, a conforté cette thèse de l'acte isolé Magnus Ranstrop, directeur de recherche au Collège suédois de défense nationale. Pour ce dernier, “les tueurs de masse sont généralement seuls” ! La police, dont les responsables devaient être reçus mardi par le ministre de la Justice Knut Storberget, se défend d'avoir ignoré d'éventuelles alertes sur la personnalité du tueur. Le service de sécurité de la police (PST) a indiqué que le nom de Breivik apparaissait une seule fois, sur une liste de 50 à 60 Norvégiens adressée par Interpol, pour avoir versé 120 couronnes (22 dollars) à une entreprise polonaise pour l'achat d'engrais. Le PST n'a pas trouvé cette raison suffisante pour réagir. “Je crois que même la Stasi allemande n'aurait pas débusqué cette personne”, a déclaré la directrice du PST, Janne Kristiansen, à la presse. Membre du parti populiste norvégien, le Parti du Progrès entre 1999 et 2006, Breivik a développé sur Internet sa pensée : incompatibilité de l'Islam et de la démocratie, remise en cause des libertés par les migrants musulmans, menace sur la culture européenne, etc. Bref, tout le fonds commerce de l'extrême droite qui est sortie de l'ombre en Norvège depuis plus d'une dizaine d'années et qui aujourd'hui se développe un peu partout en Europe. Ce phénomène en Norvège inquiète d'autant plus que sa montée dans ce pays n'a pas été la conséquence, comme dans d'autres pays européens, de la dégradation de la situation économique. Si, par exemple, la renaissance du Front national français a coïncide avec l'arrivée des effets de la crise de 2008, au point ou les chefs de la droite traditionnelle ont plagié ses idées, ce schéma n'a pas de valeur pour expliquer le poids de la droite populiste norvégienne. Avec 3,4% de chômage en 2010, le 2e PIB mondial par habitant et le premier fonds d'investissement du monde, la Norvège apparaît comme un eldorado économique. Pourtant, aux législatives de 2009, 23% des électeurs norvégiens ont accordé leur voix à la droite populiste, xénophobe et islamophobe. La formation créée en 1973, dès la fin des années 80, s'est installée dans le paysage politique du pays et en est aujourd'hui la deuxième force. Le parti est même passé de l'opposition de son fondateur Anders Lange à l'Etat providence, aux impôts et à la réglementation, à la guerre ouverte contre l'immigration musulmane car à ses yeux, c'est le problème pour l'avenir de la société norvégienne. L'homme qui a forgé la vision du parti dans ce domaine Carl I. Hagen a assuré entre 2005 et 2009 la vice-présidence du Parlement norvégien. En 2005, lors d'une conférence à Bergen, la deuxième ville du pays, il a déclaré : “Ils (les musulmans) ont, de la même manière qu'Hitler, depuis longtemps, dit les choses clairement et que sur le long terme leur but est d'islamiser le monde. Ils sont venus de loin, ils ont été jusqu'en Afrique et ils sont maintenant en Europe, et nous devons les combattre.” L'extrême droite européenne a, par ailleurs, fait sienne cette comparaison pas qu'au nom de la préservation de la culture judéo-chrétienne. Ses fondateurs avaient tous copieusement servi le nazisme. Reste que les populistes sont devenus par le jeu de comprissions comme dans la France de Sarkozy, ou de laxisme, aux yeux de larges pans de l'opinion publique des défenseurs du mode de vie occidental ! Anders Behring Breivik, qui a 32 ans, a admis qu'il avait commis les deux attaques du 22 juillet tout en niant toute responsabilité pénale. Il risque 21 années de prison, la peine maximale en Norvège, qui peut être prolongée en cas de risque de récidive.