Quelques semaines après le rapport accablant du département d'état, c'est au tour de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH) de tirer la sonnette d'alarme sur la situation des droits de l'Homme en Algérie. Selon cette ONG, la situation est loin d'être rose. Pis encore, il y a un recul des libertés, en dépit de la levée de l'état d'urgence le 24 février dernier. Lors d'une conférence de presse organisée hier à Alger, le président de la LADDH, Me Mustapha Bouchachi, a dépeint une situation marquée, notamment, par la restriction des libertés et la persistance de la torture qu'on croyait pourtant révolue. “La torture est toujours pratiquée”, a accusé M.Bouchachi, citant des cadres qui ont avoué devant un tribunal avoir été torturés par les services de sécurité pour leur soutirer un délit considéré comme crime contre l'humanité. “On ne sait pas si elle est le fait d'un commissaire, d'un officier des services, mais elle n'est pas limitée à une région ; elle s'est propagée”, a-t-il précisé. Selon lui, il n'y a pas de volonté chez le parquet pour “ouvrir une enquête sur la torture”. Autres atteintes aux droits de l'homme : en juin dernier, la LADDH s'est vu refuser l'autorisation de la part de la wilaya d'Alger pour la tenue d'une conférence-débat sur le thème : “Le rôle de la société civile dans la lutte contre la corruption dans les pays arabes”. Une rencontre à laquelle devait prendre part une pléiade d'avocats venus de Tunisie, du Maroc et d'égypte. Et l'interdiction ne touche pas uniquement la wilaya d'Alger. Une rencontre de la LADDH à la salle le Colisée à Oran a été également interdite. Les autorités y ont déployé un dispositif impressionnant de la police, a révélé Bouchachi. à Laghouat, deux jeunes voulant organiser une marche pour réclamer du travail ont été interpellés par les services de sécurité. En guise d'arguments, les services ont invoqué… la religion. On a avancé à ces deux contestataires que les “marches sont interdites dans la religion, d'après une fetwa saoudienne”. Il y a aussi ceux qui se plaignent du refus des autorités de leur délivrer un passeport en raison de l'absence d'un avis favorable des services de sécurité, une “disposition anticonstitutionnelle et contraire aux conventions”, selon M. Bouchachi. Des femmes voulant contracter un mariage avec des ressortissants étrangers sont également tenues d'avoir une autorisation des autorités, faute de quoi elles sont contraintes à aller se marier à l'étranger. “Il y'a un recul des libertés. Des lois du temps du parti unique sont toujours en vigueur”, relève le président de la LADDH. Pour lui, “rien n'a changé depuis la levée de l'état d'urgence” . évoquant les récentes consultations politiques menées par la commission Bensalah, auxquelles la LADDH n'a pas pris part, Me Bouchachi a estimé que cette commission “est un mécanisme destiné à recueillir des propositions pour les remettre aux décideurs”. “Pour nous, cette commission c'est de la poudre aux yeux. Le peuple n'a pas été associé. Il n'ya pas de volonté d'ouverture chez le régime.” “Nous ne sommes pas dans un pays démocratique. On ne pense pas que les Algériens vont jouir de la liberté et de leur dignité à l'ombre d'un pouvoir qui ne croit pas à la démocratie”, a-t-il encore affirmé. Enfin, Me Bouchachi n'a pas manqué d'exprimer sa déception sur l'indifférence du peuple algérien devant ce qui se passe dans le monde arabe. Une indifférence qui s'exprime par l'absence de solidarité avec le peuple syrien dont la journée du 30 juillet lui est dédiée. “Je suis déçu que notre peuple donne l'impression de ne pas s'intéresser à ce qui se passe chez lui et chez les autres. Au point où à l'étranger, on considère que la position de la société est en phase avec celle du pouvoir. Pourtant, la position de la société est à contre-courant de celle du pouvoir.”