Le dernier rapport de conjoncture de la Banque centrale pointe (presque) toutes les fragilités de l'économie nationale. Sur la lancée des informations rendues publiques à la fin du mois d'août au sujet de la gestion des réserves de change, c'est de façon très précoce et dès le 12 septembre que le gouverneur de la Banque d'Algérie, M. Mohamed Laksaci, a livré, dans un exercice qui est devenu un rendez-vous traditionnel des banquiers du pays, les grandes lignes du rapport de conjoncture de la Banque centrale pour le premier semestre 2011. L'occasion pour la Banque d'Algérie de distiller quelques avertissements discrets sur les conséquences de la politique macroéconomique du gouvernement. L'évolution de la balance des paiements inspire tout d'abord à la Banque d'Algérie des commentaires assez sereins. La position financière extérieure nette de l'Algérie s'est ainsi “consolidée” au premier semestre 2011. Le solde de la balance courante qui a atteint plus de 9,6 milliards de dollars est jugé “appréciable”. Une performance due, bien sûr, à l'envolée des prix du baril qui ont atteint en moyenne 112 dollars depuis le début de l'année contre 77 dollars au premier semestre 2010. Les recettes d'exportation d'hydrocarbures passent de 27,6 milliards de dollars au premier semestre 2010 à 35,8 milliards de dollars au premier semestre 2011 malgré une diminution en volume d'environ 3%. En dépit de ces bons résultats, la Banque d'Algérie souligne les “incertitudes liées à l'évolution des prix pétroliers en 2011”. On sait que depuis le début de l'été ces incertitudes se sont amplifiées. Le boom des importations de biens de consommation C'est surtout au chapitre des importations que la Banque d'Algérie signale des évolutions inquiétantes. Le rapport note que “les importations de biens sont en forte hausse de 15,7%, atteignant 22,3 milliards de dollars au premier semestre 2011. Cette hausse porte plus particulièrement sur les produits alimentaires (60%) et les produits bruts (36%). La Banque d'Algérie aurait pu mentionner également les importations de biens de consommation non alimentaires, en hausse de près de 30% selon le CNIS (plus 33% pour les importations de véhicules de tourisme) En revanche, les biens d'équipement et les demi-produits ont augmenté modérément (9,2%). La Banque centrale souligne ainsi que “le montant des importations de produits alimentaires et de biens de consommation a atteint près de 90% de celui des importations de biens d'équipement industriels au premier semestre 2011. Cela indique clairement une modification de la structure des importations de l'Algérie, au détriment des biens d'équipement et des demi-produits qui représentaient les deux tiers en 2010”. Le rapport tente de tempérer la dureté de ce commentaire en soulignant de façon très peu convaincante que “cette nouvelle tendance ne peut être que conjoncturelle, d'autant qu'elle résulte notamment d'un fort effet prix inhérent aux importations des biens alimentaires et des biens de consommation”. Une tendance d'autant plus inquiétante qu'elle est renforcée par l'évolution des importations de services qui volent de record en record.“Cette importante hausse (13,9%) par rapport au premier semestre 2010 concerne pour l'essentiel les importations des services techniques par les entreprises, principalement celles du secteur des hydrocarbures, des services des transports et des services des administrations publiques.” On peut souligner, même si le rapport ne le fait pas, que les importations de services se situent désormais entre 12 et 13 milliards de dollars en rythme annuel. Ce qui autorise des prévisions globales d'importation de biens et services de plus de 58 milliards de dollars pour l'ensemble de l'année 2011. Un solde négatif des mouvements de capitaux Pour compléter ces informations sur l'état des paiements extérieurs de l'Algérie au premier semestre, l'institution dirigée par M. Laksaci relève également un solde négatif des mouvements de capitaux “en raison notamment des transferts, plus importants, des associés de Sonatrach et des revenus au titre des investissements à l'étranger (il s'agit des intérêts produits par les réserves de change) en baisse par rapport au premier semestre 2010”. Le déficit enregistré en matière de mouvements de capitaux est dû, en outre, “aux importants remboursements au premier trimestre 2011 du principal de la dette extérieure soit près de 1 milliard de dollars qui ont permis de réduire la dette extérieure à court terme dont l'encours est donc passé de 1,7 milliard de dollars à fin décembre 2010 à 1 milliard de dollars à fin juin 2011. En matière d'investissements étrangers les locataires de la villa Joly font preuve d'un optimisme de bon aloi en relevant que les flux d'entrées de capitaux au titre des investissements directs étrangers bruts sont passés de près de 1 milliard de dollars au premier semestre 2010 à 1,3 milliard de dollars au premier semestre 2011 “correspondant à une amélioration en la matière à en juger, par ailleurs, par les intentions d'investissement enregistrées”. Au total, le solde global de la balance des paiements du premier semestre 2011 a atteint 9,1 milliards de dollars, alimentant l'accumulation des réserves officielles de change dont le montant s'élève à 174 milliards équivalent dollars à fin juin de l'année en cours. L'explosion des dépenses de l'Etat C'est sans doute dans le domaine de l'évolution du budget de l'Etat que figurent les indications les plus critiques de la Banque d'Algérie même si ces dernières restent enveloppés dans des commentaires destinés à en atténuer la portée. La dépendance renforcée des finances publiques vis-à-vis des recettes pétrolières est la première constatation : “L'évolution favorable des prix des hydrocarbures au premier semestre 2011 s'est matérialisée par des recettes budgétaires provenant des hydrocarbures accrues par rapport au premier semestre de l'année passée (36%). Elles ont atteint 70% des recettes budgétaires totales.” La Banque d'Algérie confirme surtout l'explosion des dépenses de fonctionnement de l'Etat depuis le début de l'année : “Les dépenses budgétaires totales enregistrent une augmentation significative en contexte de quasi-stabilisation des dépenses d'équipement en rythme semestriel (891 milliards de DA au premier semestre 2011), la forte augmentation des dépenses courantes résulte principalement de celle des dépenses de personnel et des transferts courants. En accroissement de 70% par rapport à leur montant du premier semestre de 2010 (675 milliards de DA). En particulier, les subventions aux EPA sont en très forte hausse ainsi que les différents autres soutiens pris en charge par le budget”. Même si la Banque d'Algérie prends soin de commenter cette explosion des dépenses en estimant qu'“elle témoigne de l'effort accru de l'Etat en termes de couverture sociale en 2011”, elle n'oublie pas non plus de préciser que désormais près de 60% des dépenses de fonctionnement de l'Etat sont financés par la fiscalité pétrolière.