La réconciliation nationale a-t-elle atteint ses objectifs ? En d'autres termes, instaurer la paix tant souhaitée par tous. Les associations des familles de victimes du terrorisme ne s'inscrivent pas dans cette logique. Elles pensent que pour obtenir une véritable paix sociale, la vérité doit être préalablement établie afin de responsabiliser les auteurs de la violence. La paix et la démocratie sont des choses impossibles à envisager en présence des bourreaux à qui on a offert l'impunité et une possibilité de se réinsérer dans la société. L'année dernière, et à l'occasion du cinquième anniversaire de l'adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, la coalition d'associations des familles de victimes du terrorisme et de disparus, composée de Djazaïrouna, Somoud, SOS disparus et CFDA, a décidé de lui opposer un projet de charte alternative pour la vérité, la paix et la justice. Des démarches sont en cours pour faire aboutir ce projet. Cette initiative n'a suscité, pour l'instant, aucune réaction officielle. Pourquoi une charte alternative ? Pour ces associations, la Charte pour la paix et la réconciliation plaide en faveur de l'extinction des poursuites pénales comme nécessaire passage pour parvenir à la paix tout en ne prévoyant aucun mécanisme de recherche de la vérité. La coalition des associations des victimes du terrorisme se veut une sorte de front commun contre l'impunité. Elle est née à la suite d'une prise de conscience de l'impératif de s'organiser en tentant de transcender les divisions. Dans le préambule de l'avant-projet de la charte pour la vérité, la paix et la justice, on explique que “la charte dite pour la paix et la réconciliation nationale de 2005 ne peut être considérée comme le texte fondateur d'une paix solide et d'une réconciliation durable et saine. La persistance de la violence, ces dernières années, montre que la charte de 2005 n'a pas atteint le but affiché par ses promoteurs. Il n'en pouvait être autrement avec un texte qui prône l'oubli et consacre l'impunité, s'inscrivant ainsi dans la tradition du régime du déni de l'histoire et de la mémoire et du mépris des attentes et des besoins du peuple algérien et des victimes en particulier". Ce groupe d'associations de victimes rappelle qu'aucun débat n'a précédé le référendum d'adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation et que ceux qui se sont individuellement ou collectivement prononcés contre ce texte ont subi “des pressions et des vexations de la part du régime.” La charte pour la vérité, la paix et la justice en question, que ces associations proposent comme alternative, se scinde en quatre parties : le refus de l'impunité ; la recherche de la vérité ; la réparation et la garantie de non-répétition du drame. En substance, il s'agit de demander l'exclusion, dans des cas d'éventuelles amnisties, de certains crimes tels que les assassinats, massacres, viols, exécution extrajudiciaire et torture. Il s'agit aussi d'ouvrir des enquêtes, sur la base de témoignages existants, sur le sort des individus enterrés sous X, estimé à 2 500 personnes, et d'établir les responsabilités pénales. Cette coalition d'associations revendique, en outre, dans son projet de charte, la réparation du préjudice qui ne doit pas seulement se limiter à l'indemnisation financière, mais inclure la réhabilitation psychologique et morale. Des divergences, toutefois, persistent entre les promoteurs de cette initiative. Certains préfèrent ne pas faire référence à la charte en vigueur, estimant que demander le bilan de cette démarche équivaut à reconnaïtre la légitimité de ce texte. D'autres restent partagés sur la qualification ou non d'islamiste, le terrorisme en Algérie. Des commissions de vérité ont été expérimentées dans une trentaine de pays, dans des contenus et des formes différents. Parmi ces pays figurent l'Afrique du Sud, le Pérou, le Sierra Leone, le Ghana, le Sri Lanka et le Chili.