Invité au Forum citoyen du quotidien régional Minbar El-Koraa (tribune des lecteurs) qui s'est tenu hier, l'ancien Chef du gouvernement, Sid-Ahmed Ghozali, s'est livré, durant plus de deux heures, à un exercice d'analyse politique sur les grandes questions de l'heure, qu'elles soient nationales ou internationales. Au jeu des questions-réponses avec les journalistes, Sid-Ahmed Ghozali se placera d'emblée dans la position d'un homme politique “sorti du système”, s'étant opposé “au fonctionnement du système”, y compris lorsqu'il exerça de hautes fonctions au sein de l'Etat, comme il tiendra à le rappeler. Son jugement est, aujourd'hui, sans appel, puisqu'il estime que, face à la situation présente du pays, “c'est un échec total. À la veille du 50e anniversaire de l'Indépendance, nous constatons que nous n'avons toujours pas d'institutions au sens vrai du terme et des difficultés à entrer dans un Etat de droit”. Le meilleur des arguments est d'évoquer, à cet instant, la situation faite à son parti, le Front démocratique (FD). “Le parti a été créé en 1999, en fonction de la loi fondamentale, et il est reconnu par la loi, mais vous avez un ministre de la République qui piétine la loi !” Pour l'ancien Chef du gouvernement, c'est là un exemple révélateur du fonctionnement du système “qui ne respecte pas la loi”. et de poursuivre : “on m'appelle pour me dire que le FD est enfin agréé. Eh bien, c'est faux ! Je dis que c'est un gros mensonge, tout comme je l'ai déclaré à Bensalah au sujet des réformes politiques. Pourquoi dire que vous allez ouvrir le champ politique alors qu'il est déjà ouvert depuis 1989 ?” L'analyse de cette situation fait dire à M. Ghozali que “ce non-respect de la loi découle du fait qu'ils sont convaincus d'être les seuls à pouvoir diriger le pays et que la société doit marcher aux ordres ! Or, on ne peut pas gouverner sans la participation des citoyens”. Et de faire une liaison avec la chute de Saddam Hussein et de Kadhafi rendue possible “parce qu'ils n'avaient pas le soutien de leur population”. Abordant les questions de politique internationale, l'intervenant mettra en doute le caractère spontané des révoltes dans les pays arabes, en Tunisie, en Egypte où encore en Syrie. “Il y a quelque chose de louche ! Tout le monde le comprend”, s'interrogeant, dans la foulée, sur la dernière décision de la Ligue arabe de suspendre la Syrie. “Est-ce que c'est la ligue elle-même qui a parlé ou quelqu'un derrière la ligue ?” Et d'argumenter ses propos en expliquant que si la ligue pouvait agir pleinement, “pourquoi n'avoir jamais fait un geste le plus simple possible, en disant à Israël : ‘vous êtes les plus forts certes, mais tant que vous colonisez les Palestiniens, nous ne voulons pas avoir à faire avec vous !'” Ne voulant pas préjuger du devenir des révoltes des peuples arabes, ou encore d'émettre de jugements de valeur, S.-A. Ghozali poursuit : “Je ne dénie pas le soulèvement des populations, mais à un moment, il y a l'intervention de la géopolitique… Les révolutions sont déjà reprises en main”, faisant allusion aux pays occidentaux. Sur sa lancée, l'orateur évoquera le “Printemps” algérien de 1988, l'interruption du processus électoral qu'il ne regrette pas, de réagir à la récente interpellation de Khaled Nezzar et son audition par un procureur suisse. “Ce qui s'est passé dans le pays est une tragédie, mais l'audition de Nezzar, je dis que derrière tout cela, il y a des manipulations. Je n'exclus aucune hypothèse. Nezzar est un patriote, devant le procureur en Suisse, il y a compétence universelle, mais je n'aurai pas donné les mêmes réponses que Khaled Nezzar ; je ne suis pas sûr que j'aurai répondu car je ne reconnaîtrais pas cette compétence universelle”, dira en conclusion sur ce chapitre l'ancien Chef du gouvernement. Et dans une dernière critique au pouvoir en Algérie, il dira : “Je leur reproche d'avoir détruit le système de pensée des Algériens !” D. LOUKIL