L'opposition russe ne désarme pas, malgré de nouvelles interpellations, à Moscou, à deux pas du Kremlin, à Saint-Pétersbourg, la ville de Poutine, et dans plusieurs autres villes. Des appels à de nouvelles manifestations contre les législatives remportées par le parti au pouvoir ont été lancés, recevant le soutien de l'ex-président soviétique Mikhaïl Gorbatchev et de tout l'Occident. L'opposition libérale, les communistes et le mouvement ultranationaliste “Les Russes” ont reçu un franc soutien du père de la Perestroïka, prix Nobel de la paix, qui considère que le couple Poutine-Medvedev doit reconnaître qu'il y a eu beaucoup de falsifications et de manipulations, et que les résultats ne reflètent pas la volonté des électeurs. Les élections législatives remportées dimanche par “Russie unie” avec un peu moins de 50% des suffrages, ont été caractérisées par de nombreuses irrégularités, selon l'opposition et les observateurs étrangers. Les autorités russes affirment pour leur part que le scrutin a été parfaitement libre et honnête. Les rassemblements de l'opposition, modestes dans l'absolu, mais d'une ampleur sans précédent depuis les années 1990, sont interprétés comme “l'éveil d'une nouvelle génération” et préludent de difficultés pour Poutine qui a programmé son retour au Kremlin, en déposant officiellement sa candidature pour l'élection présidentielle de mars 2012. Medvedev, qui devrait reprendre son poste initial de Chef du gouvernement, tout comme Poutine qui va reprendre le fauteuil présidentiel jusqu'en 2014 (!) ont dénié aux organisations internationales le droit de commenter l'état du système politique russe, et mis en garde l'OSCE qui a évoqué du bourrage des urnes lors de ces élections, ainsi que les Etats unis dont la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, a estimé que les élections n'avaient été ni libres, ni équitables. Propos inacceptables a réagi Moscou. Les Etats-Unis sont prêts à augmenter les fonds accordés aux ONG russes afin d'assurer la transparence de l'élection présidentielle de mars 2012, a rétorqué le porte-parole de la diplomatie américaine. Le budget du département d'Etat pour 2012 prévoit l'octroi d'un peu plus de 9 millions de dollars aux ONG russes. Reste à savoir si la contestation contre Poutine est un soubresaut ou un mouvement de fond ? Pour des observateurs, la contestation du système Poutine est profonde. Tout d'abord, l'élément électoral. Le score de son parti “Russie unie”, avec 15 points en moins par rapport au scrutin de 2007, est un revers cinglant, d'autant qu'il a été obtenu avec des fraudes massives. Deuxième indice : la contestation sur le web russe est très effervescente, rappelant celui du “Printemps arabe”. Et la protesta est menée par les membres de la classe moyenne urbaine, éduqués, ouverts sur le monde grâce à leurs voyages à l'étranger, qui ont profité des années Poutine sur le plan économique mais qui sont arrivés à un ras-le-bol après le tour de passe-passe permettant à celui-ci d'échanger sa place avec Medvedev. L'image de Poutine est écornée, son hypermédiatisation, sa propagande et ses “exploits” ne plaisent plus. Surtout pas en ces moments de crise économique qui frappe également la Russie. La Russie est à un tournant, la séquence qui s'annonce jusqu'en mars avec la présidentielle sera primordiale. D. Bouatta