La crise européenne sans oublier la crise de la dette états-unienne qui dépasse les 1500 Mds de $ sont les faits marquants de l'année 2012 et les suivantes. Sans jouer les Cassandre et la dramatisation excessive, j'affirme qu'une récession est évitable et l'activité peut être relancée, à condition que les dirigeants européens se mettent d'accord sur une coordination des politiques économiques, fiscales et budgétaires indispensable à une zone monétaire unifiée. Il ne peut y avoir une monnaie unique et de facto un transfert de souveraineté monétaire vers une instance fédérale sans qu'il y ait une harmonisation des structures économiques, une banque centrale qui joue le rôle de prêteur de dernier ressort et des euro-obligations. La crise européenne nous a révélé les carences d'une construction économique et monétaire boiteuse. Nous sommes fiers d'avoir proposé en 2010, avant l'été meurtrier de 2011, une monnaie commune maghrébine, devant cohabiter avec les monnaies nationales. Actuellement, aussi bien les dirigeants européens que les experts parlent des nécessaires convergences économiques pour parachever l'Union monétaire. Le titre de mon ouvrage est justement intitulé Algérie et Maroc : quelles convergences économiques ? Les pays du Maghreb subiront les retombées négatives de cette crise européenne et mondiale ; le Maroc et la Tunisie subiront la baisse de la demande de leurs produits agricoles, agro-alimentaires et autres produits manufacturés, d'un reflux des rentrées touristiques et d'une diminution des transferts de leurs travailleurs résidant en Europe. En ce qui concerne l'Algérie, les canaux de transmission sont multiples. Le premier danger qui guette le pays est la perte d'une partie de ses réserves de change. En demandant aux créanciers de la Grèce de renoncer à 50% de leurs créances (perte sèche sur la moitié des obligations publiques), les états européens ont signifié aux marchés qu'ils ne garantiront plus l'infaillibilité d'un des membres de l'Union européenne. L'Algérie, d'après certaines estimations, dispose de 40 Mds de $ d'obligations souveraines européennes. En cas de faillite des grands pays comme l'Italie, l'Espagne et l'effet dominos en France et même en Allemagne, elle pourrait perdre une partie ou la totalité de ses placements. L'investissement en bons du Trésor américains n'est pas sans risque. Il n'est plus exclu que les états-Unis utilisent le chapitre 11 et se déclarent en faillite. Dans ce cas, le pays de l'Oncle Sam négocierait un effacement partiel (50 à 75%) de ses dettes auprès de ses créanciers, parmi lesquels la Chine, le Japon, les pays du Golfe et l'Algérie. Il est inconcevable que l'on continue à extraire de façon frénétique du pétrole et du gaz pour entreposer cette masse de dollars (200 Mds de $, d'après les dernières estimations) dans les tonneaux des Danaïdes. Il vaudrait mieux préserver ces richesses pour les générations futures et de réduire drastiquement l'extraction des hydrocarbures. Par ailleurs, si la crise économique, qui est la suite logique de la crise financière, s'aggrave, on n'est pas à l'abri d'un effondrement des prix du pétrole, comme ce fut le cas en 2008, de 140 $ le baril à 36 $, alors que les importations ne cessent de croître pour atteindre le chiffre record de 41 Mds de $, ce qui fait le bonheur des lobbies de l'importation aux dépens des producteurs. Il y aura un ralentissement des transferts des Algériens basés en Europe, car le chômage frappe essentiellement les étrangers et ceux d'origine étrangère. Il est indispensable de développer les échanges et les investissements Sud-Sud dans le cadre maghrébin et avec les pays africains et arabes. C. S. (*) professeur d'économie à la Sorbonne