Les militants sont partagés entre ceux qui tiennent à une image “propre”, mais un peu idéaliste du parti, et les partisans de la realpolitik qui préfèrent tenir compte des changements politiques intervenus dans la région. C'est la question qui continue d'agiter la base du parti et à susciter les interrogations des observateurs : le Front des forces socialistes (FFS), absent de la législature qui s'achève, prendra-t-il part aux prochaines élections législatives ? Les spéculations vont bon train. Entre ceux qui sont convaincus de sa participation et ceux invoquant le boycott, le consensus est loin d'être établi. Mais au niveau de la direction, on se refuse pour l'heure à se prononcer. On préfère plutôt s'en remettre à la base. À Rouiba, hier, à l'est d'Alger, autre étape d'une série de réunions avec les militants et les sympathisants du parti entamée la semaine dernière, Ali Laskri, premier secrétaire du parti, a fixé les balises. “Les décisions que nous sommes appelés à prendre revêtent un aspect éthique et politique et non pas sentimental.” Dans son discours d'ouverture devant le conseil fédéral d'Alger, Ali Laskri a rappelé que la convention prévue le 11 février prochain, appelée à faire la synthèse des “propositions et des points de vue de la base”, est convoquée par Hocine Aït Ahmed, président du parti, pour “construire le consensus le plus fort pour la prise de décision concernant les échéances électorales”. Aït Ahmed a également recommandé “le recensement et l'évaluation de tous les scénarios politiques possibles”. Il a recommandé l'évaluation des coûts pour chaque option envisagée, a-t-il rappelé. “Il s'agit d'évaluer chacune des hypothèses à partir de la situation actuelle, du bilan des participations passées et des boycotts antérieurs”, a expliqué, pour sa part, le successeur de Karim Tabbou. Mais pour arriver à une décision consensuelle, la mission s'annonce ardue. Et Laskri le reconnaît à demi-mot : “J'ai pu noter l'intérêt majeur que les intervenantes et les intervenants ont accordé aux aspects éthiques dans leur liaison dialectique avec les stratégies politiques et électorale.” “J'ai pu noter également combien les militantes et les militants du FFS étaient jaloux de l'image immaculée du parti et de leur souci de conserver une crédibilité conquise de haute lutte depuis la création du FFS ; oui la crédibilité, l'intégrité sont des ressources non renouvelables. Elles ne s'achètent ni en euro ni en dollar et, à plus forte raison, en dinar”, a-t-il affirmé. Confronté à un choix cornélien, le FFS est appelé à prendre la mesure des enjeux. “Je me dois de dire que le débat s'est déroulé dans une atmosphère passionnante et passionnelle”, a indiqué Laskri, à propos des réunions déjà passées, avant d'ajouter plus loin : “Je n'ai pu qu'être sensible à l'attachement des militantes et militants au combat pour un changement pacifique.” Autre constat : “Les réformes du pouvoir représentaient avant tout des aspirations de ce même pouvoir, mais n'expriment pas forcément le rapport de force réel des forces politiques et sociales dans le pays, elles viseraient plutôt à l'occulter.” Les militants ont accordé aussi, selon Laskri, une attention “à l'évaluation du rapport de force international et aux effets induits par la situation régionale”. Interrogé par la presse en marge de la réunion, le premier secrétaire du FFS a indiqué qu'“il faut un débat large et profond” au sein du parti. “Le plus important et de ne pas attenter à l'alternative démocratique pour ne plus revivre la situation qu'on a connue”, dans une allusion à l'arrêt du processus électoral de 1991 remporté à une écrasante majorité par le parti dissous au premier tour. “Les dirigeants doivent en prendre conscience, mais aussi les pays qui soutiennent le régime en place”, a-t-il dit. Il a réitéré l'attachement de son parti à un changement pacifique et démocratique qui passera par une assemblée constituante pour fonder “une deuxième République”. La synthèse de tous les débats des conseils fédéraux au nombre de 35 sera exposée lors de la prochaine convention. K K