“Le port de Cap Djinet (…) sera réalisé un jour, qu'on le veuille ou non, parce que l'Algérie n'a pas de port de taille mondiale, et notre pays perd ainsi 3,6 milliards de dollars par an”, a-t-il expliqué. Pour parler à la fois de la réussite dans l'entreprenariat et en même temps susciter l'espoir chez une jeune génération en perte de confiance en son pays, il est sans doute utile de passer par le cas de ce grand capitaine d'industrie qu'est Issad Rebrab. C'est ce que s'est employé à faire, hier, Taïeb Hafsi, l'auteur de Commencer petit, voir grand et aller vite, qui a animé conjointement avec le P-DG du Groupe Cevital une conférence devant un public constitué majoritairement de jeunes. À l'occasion de cette conférence organisée par l'institut international de management, Insim, à la Maison de la culture de Tizi Ouzou, le professeur Taïeb Hafsi, ainsi que le patron du groupe Cevital, Issad Rebrab, se sont longuement étalés sur l'environnement institutionnel algérien hostile à l'entreprenariat privé et, par conséquent, à la création de richesses et d'emplois. “Si on libère les initiatives en Algérie, on a des énergies extraordinaires qui peuvent contribuer à la construction du pays, mais l'Algérie est le seul pays où il faut demander une autorisation pour créer des emplois et des richesses, et ce n'est même pas sûr qu'on vous la délivre”, dira Issad Rebrab avant d'énumérer les longues péripéties et entraves auxquelles il a été confronté depuis son lancement dans les affaires et auxquelles il continue de faire face encore aujourd'hui. À titre d'exemple, le patron de Cevital, qui a rappelé ses mésaventures sous l'ère de Belaïd Abdesselam alors chef du gouvernement, a cité plus particulièrement les deux projets du complexe de pétrochimie d'Arzew et le port de Cap Djinet. “Le projet de pétrochimie d'Arzew peut pourtant donner lieu à la création de 3 000 PME/PMI qui peuvent créer 300 000 emplois et devenir exportatrices, et surtout à la valorisation de la matière première locale, mais on ne cessait de me traîner en long et en large, tantôt en m'invoquant que je dois m'associer avec Sonatrach, tantôt en me signifiant que cette dernière ne me fournira pas la matière première. Il aura fallu évoquer l'éventuelle délocalisation du projet vers le Maroc pour qu'on revienne à de meilleurs sentiments”, a-t-il expliqué. Abordant le projet du port de Cap Djinet qui pourrait créer un million d'emplois, Issad Rebrab dit être confronté à de nombreuses difficultés mais se montre confiant et optimiste. “Le port de Cap Djinet relève d'une volonté politique, mais il sera réalisé un jour, qu'on le veuille ou non, parce que l'Algérie n'a pas de port de taille mondiale, et notre pays perd ainsi 3,6 milliards de dollars par an. Toutes les études menées depuis les années 70 jusqu'à aujourd'hui sur l'espace allant de Ténès jusqu'à Cap Djinet montrent que Cap Djinet est le mieux indiqué”, a-t-il expliqué non sans citer plusieurs autres grands projets bloqués, qui depuis 5 ans, qui depuis 10 ans. Des blocages qui ont convaincu Issad Rebrab qu'“entre les années 70 et aujourd'hui, il n'y a pas eu beaucoup de changement”, et que “tant que les institutions ne voient pas grand, il sera toujours difficile de créer des emplois et des richesses”. Ce constat est établi aussi par Taïeb Hafsi qui, tout en mettant l'accent sur l'honnêteté et l'intégrité comme atouts essentiels dans la réussite dans l'entreprenariat en Algérie, comme en témoigne le cas Cevital, explique qu'“aujourd'hui même, ceux qui sont chargés de punir Rebrab ne croient plus, eux-mêmes, au système”. “Un Etat qui ne respecte pas ses propres lois est un Etat hors la-loi”, dit-il avant de plaider pour un Etat fort qui impose les règles du jeu à tous et qui crée les conditions pour que ses lois soient respectées. “Les Etats faibles sont ceux qui piétinent leurs propres lois”, et “la corruption s'étend autour des lois qui ne sont pas applicables”, a-t-il averti non sans souligner que l'opposition idéologique public/privé est inappropriée. Interrogé sur d'éventuels investissements à Tizi Ouzou, Issad Rebrab répondra que c'est son “plus grand souhait”. “Nous avons des projets pour cette région que nous voulons vraiment aider”, a-t-il déclaré en révélant son intention de réaliser immédiatement une cimenterie non polluante dans la wilaya. Mais, a-t-il poursuivi, “il faut changer les mentalités” pour éviter que des oppositions se fassent jour comme ce fut le cas pour le projet de Lalla Khedidja. Mais il n'y a pas que l'épineux problème du foncier industriel. Il faut d'abord, estime-t-il, régler le problème de l'insécurité dans la région. S L